Déjà vu. (Ted / Lèna)

La jeune femme avait suivie le Shérif jusqu'au magasin de l’apothicaire. Elle avait besoin de lui acheter quelques herbes, mais surtout une mixture contraceptive afin de s'assurer que ses ébats avec le beau blond ne mèneraient pas la situation plus loin qu'ils ne l'auraient désirés. Ted de son côté devait parler à l'homme, comme à tout les commerçants des environs, histoire de recueillir un quelconque témoignage d'infraction dans sa ville. C'est pour cette raison qu'ils pénètrent conjointement dans l'établissement, Lèna prenant le pas pour s'approcher du comptoir.

Après s'être entretenue quelques instants avec le propriétaire, elle récupéra sa commande, paya et recula de quelques pas afin de laisser la place à son compagnon. Elle n'avait pas à écouter leur entretien. Se dirigeant vers une fenêtre de la boutique, elle leur laissa l'intimité nécessaire. Rivant son regard dehors, la jeune femme s’intéressa aux allées et venues des passants. Rien de bien passionnant.

Lèna était même sur le point de délaisser le spectacle urbain quand quelque chose attira son attention. Dans la ruelle en face d'elle, deux hommes étaient occupés à bavarder autour d'une petite charrette. Un spectacle anodin me direz vous. Oui mais voilà, l'un des hommes capta l'attention de la femme. Elle l'avait déjà vu quelque part mais ne parvenez pas à se souvenir où. Pourtant, sa vu lui arracha un frisson. Plissant le regard elle tenta de le détailler davantage, alors que Ted semblait clore son échange avec l’apothicaire.

Une fois le shérif non loin d'elle, l'armurier désigna celui qui l'intriguait tant du menton.

" Tu le connais lui ? "

Puis, elle prit la direction de la sortie, accompagné de l'homme de loi. Une fois dehors, s'assurant qu'aucune oreille indiscrète ne traînait, la jeune femme se tourna vers lui, l'air préoccupé.

" Ted ? J'arrête pas de repenser à ce que tu a dis tout à l'heure, au sujet des types qui s'en sont pris à moi. Ta colère avait un côté mignon mais aussi pas mal effrayant. Je ne t'avais jamais entendu tenir de tels propos. Est ce que tout va bien ? "

Elle faisait référence au fait que l'homme avait mentionné un désir de meurtre. Tuer n'était pas dans sa nature, même lors de son ancienne vie mais Lèna avait pourtant sentie que ses paroles n'étaient pas envoyées en l'air. Que c'était il passé dans la vie de son ancien partenaire pour qu'il en soit arrivé à dire de telles choses ? Elle comptait bien le découvrir.

Décidant d'accompagner Ted dans son petit tour d'inspection, elle remonta la rue avec lui jusqu'à la boutique suivante. Cependant, cette fois, elle ne rentra pas avec lui. Inutile de le suivre partout comme son ombre. S'appuyant contre la balustrade en bois située devant le magasin, elle repensa à l'homme précédemment croisé. Plus elle y songeait, plus elle était sûre de l'avoir déjà vu, et pas dans les meilleures circonstances. Rien que la vue du bonhomme l'avait mise mal à l'aise.

Et puis, soudain, ce fut le déclic. Elle se rappelait de tout. L'homme avait pris quelques années depuis et c'était sans doute ce qui avait rendu l'identification si difficile. Mais aucun doute, c'était bien lui. La jeune femme l'avait rencontré pour une transaction des plus étranges, accompagnée de Marvin. C'était peut-être la seule fois où ils avaient refusés de fournir quelque chose à quelqu'un. En même temps, la demande était en dehors de leur domaine de prédilection. En tout cas, elle devait absolument raconter cette histoire à Theodore. Si l'homme, à présent médecin de la ville, n'avait pas changé ses activités, le Shérif allait sans aucun doute devoir intervenir.

A peine son ami sortit du magasin, Lèna l'apostropha.

" Ted ! Il faut que je te parle d'un truc. C'est important. "

Elle désigna la ruelle déserte la plus proche d'un signe de tête, avant de s'y rendre, attendant que l'homme la retrouve. Afin qu'il comprenne la situation, elle allait devoir commencer son récit au début. Elle espérait se tromper sur les raisons de la présence de l'homme de science... mais dans le fond elle doutait franchement que ce soit le cas...

Alors qu’il regardait Sélèna descendre les escaliers, Theodore ne put s’empêcher de sourire. A la voir comme ça, là, avec lui, il avait la sensation que jamais ils ne s’étaient quittés. Pourtant, la douleur qu’il avait ressenti en la pensant perdue à jamais, il ne pouvait l’oublier. Alors même qu’elle était là, il avait le sentiment que s’il fermait les yeux, elle allait disparaître, n’étant que le fruit de son imagination. Mais plus elle lui parlait, plus elle le touchait et moins il doutait de sa réelle présence. Il était réellement heureux de son retour, c’était la meilleure nouvelle qu’il avait eu depuis qu’il était devenu shérif. Les choses allaient peut-être finir par s’arranger ?

Pour l’heure, il lui montrait le chemin pour se rendre à l’apothicaire. Elle préférait ne prendre aucun risque de tomber enceinte suite à leurs ébats. Même s’ils ignoraient si elle pouvait avoir des enfants, il valait mieux ne pas laisser sa place au doute. Jamais ils n’avaient envisagé d’en avoir alors ce n’était pas maintenant qu’ils allaient y penser. Arrivés à la boutique, Theodore patienta sagement à l’entrée le temps que Sélèna achète ce dont elle avait besoin. Plus il y pensait, plus il se disait que s’il était devenu père, il aurait sans doute laissé tomber sa carrière de criminel. Mais aurait-il été capable d’élever un enfant ? Il ne voulait surtout pas finir comme ses parents… Et puis maintenant qu’il était shérif, il avait une vie plutôt stable. C’était peut-être le moment idéal au final. Mais à aucun moment il n’arrêta Sélèna pour autant. Elle ne voulait sans doute pas être privée de sa liberté.

Sélèna ayant terminé ses achats, Theodore s’avança à son tour, retirant son chapeau pour saluer l’apothicaire. Il s’appuya sur le comptoir, questionnant comme à son habitude le marchand pour savoir si tout se passait bien. D’après ce dernier, il n’y avait rien à signaler, il n’avait eu aucun problème récemment. Il avait craint qu’un petit groupe d’hommes ne viennent l’agresser ou lui voler sa marchandise mais ils s’étaient juste contentés d’acheter tout son stock d’une certaine catégorie de plantes. Rien d’alarmant en soi. Ted le salua puis se dirigea vers la sortie pour rejoindre Sélèna.

Elle se trouvait près d’une fenêtre, regardant à l’extérieur. Alors qu’il s’approchait, elle lui posa une question. Intrigué, le shérif se pencha et observa ce qu’il y avait dehors. Il suivit la direction que lui indiquait la jeune femme, pointant le menton vers deux hommes près d’une charrette. Apparemment, elle parlait de celui situé à gauche. Theodore regarda néanmoins les deux hommes avant de reporter son attention sur celui de gauche. Bien sûr qu’il le connaissait, il le voyait même tous les jours. Mais il se demandait bien pourquoi il semblait intéresser Sélèna. Elle l’avait déjà vu quelque part ?

« Oui je le connais. C’est le médecin de la ville, Garrett Thomson. Tu lui veux quelque chose ? »

Puisqu’elle sortait, Theodore la suivit. Il avait d’autres personnes à aller voir mais il n’était pas très motivé pour déjà être séparé de Sélèna. Comme si elle avait lu ses pensées, elle se tourna alors vers lui, le stoppant dans sa marche. Par contre, il n’aimait pas la façon dont elle le regardait. Elle semblait… préoccupée. Elle lui reparla alors de ses propos de tout à l’heure, lorsqu’il avait dit avoir regretté de ne pas avoir tué ceux qui lui avaient fait du mal. D’après elle, cela ne lui ressemblait pas, cela lui faisait même un peu peur quelque part. Elle avait raison et Ted se sentit un peu coupable. Mais il y avait certaines choses qu’elle ignorait. Il avait déjà tué et il estimait qu’elle avait droit de le savoir. Si quelqu’un ne le jugerait pas, c’était bien elle. Elle le connaissait mieux que personne.

D’abord silencieux, Ted passa sa main lentement derrière sa nuque, se remémorant ce fameux soir. Il n’avait pas réfléchi, il avait agi par instinct, pour sauver Irina. C’était pour elle qu’il avait tué quelqu’un. Jamais auparavant, il n’avait retiré la vie. Il s’était toujours arrangé pour blesser ou assommer, rien de plus. Il calculait toujours la bonne quantité de poudre, anticipait les mouvements et connaissait parfaitement ses angles de lancer. Mais cette fois-là avait été différente, il avait fait avec les moyens du bord. Il aurait juste pu assommer le type… mais il l’avait massacré.

« C’est… En fait, j’ai tué un homme, il y a quelques jours. J’étais chez Irina, elle était à l’étage, moi en bas… Un homme a débarqué et m’a assommé par surprise. A mon réveil, il… je l’ai retrouvé sur Irina, dans sa chambre. Je ne sais pas trop ce qu’il faisait, s’il essayait de la tuer ou de la violer… Peut-être les deux… J’ai pas réfléchis… J’avais un morceau de bois dans la main et je me suis jeté sur lui. J’étais hors de moi, je l’ai… massacré… J’ai eu tellement peur qu’il lui fasse du mal que je l’ai tué… » raconta t-il avant de laisser échapper un long soupir, tournant les yeux vers elle « Ca m’a fait bizarre, vraiment… C’est pas que je m’y suis habitué, ça reste quelque chose dont je n’ai pas l’habitude. Mais depuis ce jour là… j’ai moins de réticence à tuer si c’est pour protéger ceux que j’aime. Tu crois que je deviens comme les autres ? Un monstre sanguinaire ? »

Theodore avait d’autres marchands à aller voir et après cette petite discussion, il reprit sa marche, accompagné de Sélèna. Cependant, elle n’entra pas avec lui, se contentant d’attendre dehors. Il la laissa faire ce qu’elle souhaitait, discutant un peu avec l’épicière du coin. Comme toujours, c’était un peu long mais il y était habitué. Il espérait juste que Sélèna ne s’ennuie pas trop en l’attendant. Il coupa court à l’entretien en voyant que cela ne le menait nul part, prétextant avoir d’autres gens à voir. C’était la vérité de toute façon…

Mais à peine eut-il mis le pied dehors que Sélèna l’interpela. Elle avait l’air sur les nerfs. Qu’était-il arrivé ? Il n’y avait rien autour d’eux ni personne qui semblait agressif. Le shérif ne voyait donc pas ce qui la mettait dans un état pareil. Elle lui désigna une ruelle déserte et il l’y suivit sans chipoter. Il avait confiance en elle et savait qu’elle n’agirait pas de la sorte si ce n’était pas pour une bonne raison. Une fois isolé, il se tourna vers elle, une lueur interrogative dans le regard.

« Qu’y a t-il ? Qu’est-ce qui te fait réagir comme ça ? Il y a un problème ? »
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Ces derniers temps, il était rare de voir la jeune armurier en compagnie de qui que ce soit, surtout d'un homme. Depuis la mort de son mentor, elle avait décidée de faire son chemin seule. Bien sûr, elle avait toujours de précieux alliés et une multitude de contacts, mais elle ne désirait pas de liens plus fort que ça. Elle ne voulait pas d'amis et encore moins d'un compagnon. A vrai dire, la seule personne à laquelle elle était encore attachée était une petite fille vivant au Mexique que la brune avait arrachée des flammes quelques mois plus tôt.

Ce jour là, elle avait fait halte dans le minuscule village frontalier de la gamine, lors d'un de ses séjours de l'autre côté du fleuve. A cette époque, Marvin était toujours en vie et avait fait le voyage avec elle. C'est après le couché du soleil, alors que presque tout les habitants avait rejoints leur couche ou l'auberge de fortune du coin, que l'incendie s'était déclaré. Comment ? Elle n'en savait rien. Peut-être un cigarillo à demi consumé lancé dans un buisson trop sec par un imprudent. La cause n'était pas importante, seule comptaient les conséquences. Et sans la "blanche" elles se seraient soldées par la mort d'une enfant. Car, alors que tous s'agitaient en hurlant en espagnol diverses directives pour apporter un maximum d'eau vers la battisse en feu, Lèna avait été la seule à entendre les gémissements de la fillette au travers le raffut ambiant et le crépitement du bois. Elle n'avait alors pas réfléchie et s'était aventurée dans le bâtiment en feu. Quelques minutes plus tard, elle en ressortait en toussant, le visage noircis, la hanche droite en avant tel un bouclier, la gamine posée sur la gauche, maintenue par les bras de l'armurier. Un instant héroïque dont la jeune femme ne gardait que le souvenir du petit cœur battant rapidement contre son flanc.

Lèna était resté ensuite quelques jours au village, traitée comme une vraie reine. La petite s'en était sortie bien qu'une partie de son visage avait été déformé par une odieuse brûlure. Elle vivrait désormais avec son oncle, habitant du même village, ses parents n'ayant pas eut autant de chance qu'elle.

La brune était ensuite allée lui rendre visite plusieurs fois. Sans s'en rendre compte, elle avait développée une véritable affection sororale envers l'enfant. C'est donc ainsi que la petite se trouva dernière résistante des tendres sentiments de Sélèna, une fois son mentor trépassé. Mais ça... c'était avant qu'elle ne retrouve Ted, un peu plus tôt dans la journée.

Des années qu'ils ne s'étaient pas vus. Des années qu'elle le pensait mort surtout. Lui, le seul homme qu'elle ait aimé d'un amour sincère. Lui, son ancien amant, son partenaire, sa moitié. Bien sûr, les choses avaient changées, en quelque sorte, et l'homme et elle ne pouvaient plus vraiment s'afficher comme un couple, mais ce n'était pas grave. Malgré tout, Lèna avait envie de passer du temps avec lui. C'est pour cette raison qu'elle l'avait accompagné dans sa tournée des commerces et ce même après avoir terminé ses propres achats.

Ils s'étaient d’abord rendus chez l'apothicaire. Là, Lèna avait remarqué au dehors, un homme qui avait éveillé sa curiosité. Elle l'avait déjà vue mais ne parvenait pas à se souvenir où. Elle avait donc demandée au Shérif si lui savait de qui il s'agissait.

"Non, je ne lui veux rien... pas encore. C'est juste, qu'il me rappelle quelqu'un. C'est pas important, continuons. "

Sortant donc de l'établissement, l'armurier avait confié une autre intrigue de son esprit à l'homme. Plus tôt, il avait évoqué avec une certaine colère, le regret de ne pas avoir tué ceux qui s'en prenaient à elle. Jamais elle ne l'avait entendu tenir de tel propos auparavant et cela la troublait.

Écoutant alors l'explication de Ted avec attention, partagée entre horreur et compréhension, elle avait finit par hocher la tête, comme si elle lui donnait son approbation pour l'acte dont il avait fait preuve.

"Les monstres sanguinaires tuent par plaisir Ted. Par besoin de violence et de sang. Il n'y aucune justification à leur désir, pas de noble cause, pas de besoin de protection. Ce que tu a fais, tu l'a fais par...affection. Celui que tu a tué n'était pas un type bien, toi tu l'es. Ne te déteste pas pour ça, ne t'en veux pas, tu a agis rapidement et tu a sans doute fait ce qu'il y avait de mieux à faire. Je ne suis pas pour le fait que des gens meures, tu le sais, mais au vu de ton récit je ne peux que te donner raison. J'aurais sans doute fait la même chose si quelqu'un s'en était pris à toi sous mes yeux et que j'avais la possibilité de l'éliminer."

Offrant un sourire rassurant à l'homme, elle lui donna une petite tape sur le biceps. Elle aurait aimée le serrer contre elle, mais l'intimité de la rue était bien trop maigre pour se permettre un tel geste d'affection.

"Aller cow-boy, ne te laisse pas abattre. Je garderai ton secret et si tu a besoin d'en parler à nouveau, je serai là. Mais pour l'heure, les commerçants ont besoin de leur shérif."

Reprenant donc leur chemin, Sélèna était resté en dehors de la boutique suivante, attendant que le blond en ait fini. C'est à ce moment là que le souvenir de l'homme aperçu un peu plus tôt refit surface. Elle se souvenait de lui, des raisons de leur rencontre, de tout, et elle devait absolument en faire part à Theodore.

L'apostrophant à peine eut il posé un pied sur le perron, elle lui demanda de la suivre dans une ruelle adjacente. Ce qu'elle avait à dire ne devait pas tomber dans la première oreille venue.

"Oui, non, enfin peut-être... écoute, le type de tout à l'heure, Garreth machin, le médecin. Hé ben, en fait je l'ai déjà vu! Y a quelques années, Marvin avait entendu parler d'un mec qui payait rubis sur ongle pour une marchandise pas très légale. Tu connais Marv'... connaissais... il a pas pu s'empêcher de foutre son nez là dedans. Le truc, c'est que ce que voulez le bonhomme, c'était carrément pas dans notre domaine. Le mec avait besoin qu'on lui fournisse des corps mort...mais encore frais. Le vieux lui a dit que si il voulait des cadavres il avait qu'à descendre des types. Et c'est là que ça devient malsain. Ce cinglé en voulait sans plombs dans la face, des gens morts de façon naturelle. Je lui ai dis que c'était pas possible, j'veux dire, en trouver un par ci par là avant le passage du croque mort j'dis pas, mais pas dans les quantités qu'il demandait. De toute façon c'était trop étrange ce genre de trafic, même pour nous. On s'est cassés. Après, je crois que le mec à trouvé une bande de timbrés sans foi qui ont pillés les morgues du coin avant de disparaître. Depuis, j'en ai jamais réentendu parler... jusqu'à aujourd'hui. Ce mec, le commanditaire, c'est lui là... ton médecin... "

Les sourcils froncés, la jeune femme regardait son interlocuteur droit dans les yeux. Elle n'aimait pas qu'un homme aussi étrange soit reconnu comme médecin, et encore moins dans la ville de Ted. Seulement, elle n'avait aucune autre preuve que sa parole pour dénoncer ses activités passées... voir actuelle. Le seul moyen de le faire tomber, était de le prendre la main dans le sac.

Alors qu’il marchait, Ted jeta un œil discret vers la femme qui marchait à ses côtés. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Il ne pouvait nier être heureux de son retour, savoir qu’au final elle avait survécu. Il était tout simplement heureux qu’elle soit là, avec lui, qu’elle ait décidé de l’accompagner en ville. A moins que ce ne soit l’inverse ? En tout cas, malgré ce qu’il s’était passé entre eux, ils ne mettaient pas de barrières, c’était déjà ça. Theodore craignait par dessus tout de perdre définitivement cette femme qu’il aimait. Mais les évènements actuels ne lui permettaient plus de la voir comme sa compagne. D’un certain côté, il aurait aimé qu’elle le redevienne. Avait-elle déjà cessée de l’être au final ? Jamais ils ne s’étaient séparés si l’on oubliait leurs prétendues morts. Mais entre temps, il y avait eu des changements. Et Ted ne pouvait se résoudre à abandonner Irina même s’ils ne formaient pas un couple. Il tenait à elle, il avait des sentiments pour elle. Mais il ne pouvait pas composer avec elles deux. Etait-ce possible d’aimer deux femmes ?

Elles étaient différentes sur bien des points. L’une était fougueuse, passionnée, elle ne reculait devant rien et était la partenaire de Ted. L’autre était attentionnée, douce et gentille. Elles avaient pas mal de points communs mais aussi beaucoup de différences. Pourquoi devait-il choisir ? Il ne voulait pas faire face à ça. Aussi pour le moment il ne voulait pas y penser et préférait continuer son inspection des commerces qu’il avait déjà trop repoussé pour la journée.

Maintenant que Sélèna était là, il se sentait un peu moins bridé. Sa seule présence lui suffisait à redresser la tête et à ne plus se laisser abattre. Peut-être qu’il avait juste besoin d’elle pour se remettre en selle, qui sait ? Pour le moment, il la laissait d’abord passer sa commande à l’apothicaire, ne pouvant lui reprocher de ne pas vouloir d’enfants. Cela ne ferait que compliquer la situation de Ted de toute façon. Et il n’avait déjà pas le temps de s’occuper de la ville alors d’un enfant… Pire, cela risquait de priver Sélèna de liberté et il en était hors de question.

L’achat effectué, Theodore s’enquerra des activités du commerçant. Tout allait bien, rien à signaler. Le shérif ne s’attarda donc pas mais fut stoppé par Sélèna avant qu’il n’ait pu sortir. Visiblement, quelque chose l’intriguait et elle avait besoin de son avis. Theodore ne remarqua cependant rien de suspect. Il s’agissait juste du médecin de la ville et d’un autre homme, inconnu au bataillon. Ted lui répondit donc, donnant l’identité de l’homme qu’elle désignait. D’après Sélèna, elle ne lui voulait rien, il lui rappelait juste quelqu’un.

« Tu l’as peut-être déjà vu quelque part. Il n’est pas ici depuis si longtemps que ça après tout. Y a plein de nouveaux visages chaque jour. »

Curiosité satisfaite, ils sortirent ensuite du bâtiment pour continuer de marcher le long de la rue afin de se rendre dans un autre magasin. Mais avant que le shérif n’entre à l’intérieur, Sélèna le questionna à propos de certains mots qu’il avait eu un peu plus tôt. Elle le lui connaissait aucun meurtre à son actif. Et pour cause, Ted s’était toujours refusé à tuer qui que ce soit, traumatisé par la mort de ses parents. Il préférait imposer sa loi d’une autre façon, être craint mais sans être reconnu comme étant un tueur sanguinaire. Même en tant que hors-la-loi, il n’avait jamais voulu se salir les mains à ce point. Il y avait des limites à tout. Mais depuis peu, sa vision des choses avaient changé. Tuer était parfois nécessaire et il réagissait à présent différemment. Il ne craignait même plus de tuer ceux qui risqueraient de faire du mal à ses proches. Mais la réaction de Sélèna le fit se sentir penaud, coupable. Il avoua avec difficulté ce qu’il avait fait, craignant qu’elle ne le rejette suite à ça.

Par chance, ce ne fut pas le cas. Elle avoua qu’elle aurait réagi de la même façon face à une situation similaire. Elle comprenait donc l’état d’esprit dans lequel il s’était trouvé et Ted fut soulagé de voir qu’elle ne le blâmait pas.

« J’en suis pas fier tu sais. Mais je crois que ça a brisé quelque chose au fond de moi. Je ne vois plus les chose de la même façon… Tuer ne me fait plus peur. Ca ne veut pas dire que je tuerais pour le plaisir, loin de là. Mais si les choses doivent être faites… je le ferais. Je ne laisserais personne faire du mal à ceux que j’aime. Si d’autres doivent mourir, c’est sans doute qu’ils le méritaient, de toute façon… »

Sélèna se fit rassurante, lui assurant qu’elle n’en parlerait à personne. Ca, Ted le savait bien. Il avait une totale confiance en elle. Il lui sourit à son tour lorsqu’elle lui donna une petite tape, essayant de lui faire penser à autre chose. Au moins désormais, elle savait à quoi s’en tenir.

« Je suis content de ton retour, Lèna. T’imagines pas à quel point. »

Theodore laissa cependant la jeune femme à l’extérieur du magasin, s’entretenant seul avec le commerçant. Rien à signaler non plus. Le shérif sentait que la journée allait être calme. Tant mieux, cela lui donnait ainsi l’occasion de passer un peu de temps avec celle qui avait partagé sa vie. Sortant pour la rejoindre, il mit la main dans l’une de ses poches pour en sortir de quoi se rouler une cigarette. Mais Sélèna l’interrompit en l’apostrophant comme s’il y avait eu une catastrophe. Ne sachant pas trop à quoi s’en tenir, Ted la suivit docilement, un peu inquiet.

A l’abri de la ruelle, il la regarda attentivement, attendant patiemment qu’elle lui explique les raisons de son attitude soudaine. Alors qu’elle parlait, le shérif se roula sa cigarette. Il n’avait pas besoin de regarder ce qu’il faisait pour la réussir. Ce geste, il l’avait fait tant de fois que c’était devenu instinctif. A peine fut-elle roulée qu’il la colla au coin de ses lèvres, grattant une allumette contre l’un des murs pour l’allumer. Même s’il agissait, il ne perdait pas une miette de ce que lui racontait la jeune femme. En fait, il avait un peu de mal à la suivre. Ce qu’elle disait était un peu glauque mais Theodore comprit qu’il s’agissait du prétendu médecin. Cet homme n’était visiblement pas tout à fait net.

« Attends, t’es en train de me dire que Garrett Thomson est une sorte de dingos qui kidnappe des cadavres pour faire mumuse avec ? Merde alors… Bien la première fois que j’entends un truc pareil… Morts ou pas, c’est irrespectueux de faire une telle chose. Ca n’arrivera pas dans ma ville, je peux te le garantir ! Mais… il n’a encore rien fait de suspect, je ne peux pas l’arrêter juste comme ça… J’ai besoin de preuves. »

Ted tira un peu sur sa cigarette, songeur. Il avait toute confiance envers Sélèna. Il savait qu’elle ne lui raconterait pas ça si elle n’en était pas certaine. Mais malgré tout, il ne pouvait en faire qu’à sa tête. Passant lentement sa main le long de sa mâchoire non rasée, il reposa les yeux sur Sélèna.

« J’te crois Lèna hein. Je sais pas trop ce qu’il trafique avec les cadavres mais je l’en empêcherais. Le mieux… ce serait de le prendre sur le vif. Faudrait le suivre. Si tu le connais, il risque de te reconnaître aussi alors on va éviter la confrontation. Mieux vaut la jouer discrets. Tu sais à quel moment les vols ont lieu ? On peut toujours aller occuper la morgue et s’y planquer en attendant de voir s’il se passe un truc… Sinon on peut suivre le type avec qui il parlait mais je suis pas certain de me rappeler son visage. Lèna… Je sais qu’on est plus forcément du moment bord mais… je peux compter sur toi ? »

Séléna était intriguée par la vision d'un homme qu'elle était certaine d'avoir déjà vu quelque part. Pourtant, elle ne parvenait pas à se souvenir d'où. C'était peut-être le fait d'avoir retrouvé un fantôme du passé, en la personne de Ted, qui la troublait autant. Elle était si heureuse de pouvoir se tenir près de lui, de pouvoir le toucher, entendre sa voix, voir son visage, qu'il était tout à fait possible qu'elle projette ce sentiment de connaissance sur ceux qui l'entouraient. Après tout, comme le disait l'homme en sa compagnie, les gens affluaient dans le coin ces derniers temps, et bien des visages pouvaient se ressembler.

"Hmm... oui, peut-être. Enfin, ce n'est pas important."

Préférant ignorer pour l'instant ce trouble, elle se concentra sur l'instant présent. Elle aurait pu laisser le shérif vaquer à ses occupations, maintenant qu'elle avait achetée ce qu'elle désirait, mais elle ne souhaitait pas se séparer de lui pour le moment. A vrai dire, si ça n'avait tenu qu'à elle, maintenant qu'elle l'avait retrouvé, elle aurait aimée ne jamais le lâcher. Mais la situation ne le permettait pas, alors, autant profiter des petits moments qu'ils avaient l'un avec l'autre.

Elle profita d'ailleurs d'un de ces instants pour interroger l'homme à propos d'une chose étrange qu'il avait dite un peu plus tôt. Theodore lui expliqua alors comment il en était venu à de telles pensées. Comment l'homme refusant d'avoir du sang sur les mains avait passé un cap crucial en prenant une vie. Et était prêt à le refaire au besoin.

Plutôt que de s'en effrayer, Lèna comprit les motivations de son geste. Elle se montra même rassurante, percevant le malaise de son ancien partenaire. A quoi bon se culpabiliser ? Il n'avait pas agit par désir de sang et était loin d'être devenu un monstre, comme il le craignait. Et puis, ce qui avait été fait ne pouvait plus être défait, autant aller de l'avant.

"Je suis désolée si tu sens que quelque chose est brisé en toi. Mais le monde change Ted, pas forcément en bien et parfois, il faut savoir changer avec lui. Tu n'a plus peur de tuer, et je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. Du moins, tant que tu n'y trouve pas du plaisir et surtout une envie incontrôlable et infondée de recommencer. Hors, je te connais, jamais une telle chose n'arrivera. Tu a toujours été fidèle à tes principes et la sauvagerie n'en fait pas partie. "

L'homme confia alors une nouvelle fois à quel point il était heureux de la retrouver. La joie était partagée. Elle lui offrit son plus beau sourire, adoptant son habituelle attitude forte et combative.

"Héé, tu me connais, je me pointe toujours quand t'as besoin de moi. Et vu la lueur éteinte de tes yeux ce matin, je crois qu'il était temps que je me ramène. Et puis... je pense que j'avais besoin de te revoir aussi pour ne pas m'éteindre à mon tour. Je me sens bien plus forte depuis quelques heures. J'ai retrouvée mon souffle de vie si longtemps perdu. "

Ah ça oui, il était l'essence qui alimentait sa fougue. Quand il était à ses côtés, elle pouvait tout réaliser, sans craintes, sans doutes. Ils étaient l'envers l'un de l'autre et la jeune femme s'était souvent demandée comment elle pouvait continuer à avancer dans ce monde hostile sans qu'il ne soit près d'elle. Mais la question ne se posait plus désormais. Il avait beau être Shérif, il avait beau être attiré par une autre femme, il restait sa moitié, elle n'en doutait pas une seconde.

Mais pour l'heure, ils avaient d'autres choses à faire que de se regarder dans le blanc des yeux en s'avouant à quel point ils étaient heureux d'être ensembles. Enfin, Ted surtout avait mieux à faire. Léna elle, se contentait de le suivre jusqu'au commerce suivant, restant dehors à l'attendre. Seule, pensive, elle réalisa alors qui était l'homme aperçu un peu plus tôt et c'est un peu nerveusement qu'elle apostropha le blond lorsque il en eut terminé avec le commerçant.

L’entraînant dans une ruelle à l'écart des oreilles indiscrètes, elle raconta tout à l'homme. Les conditions de sa rencontre avec le dénommé Garrett, ses activités, ses méfaits. Léna n'était pas du genre à balancer les autres, mais cet homme avait vraiment quelque chose de malsain qui la révulsait. De plus, elle n'avait pas envie que ses activités, si peu catholiques, viennent entacher d'horreur la ville que défendait celui qu'elle aimait.

Lorsque Ted récapitula ses propos, afin de s'assurer d'avoir tout bien compris, elle hocha la tête à plusieurs reprises.

"C'est ce que je dis oui. Je sais pas ce qu'il fait des cadavres et je me serais bien passée de le savoir mais... je veux t'aider Ted. Je sais que je représente pas la loi mais oui, tu peux compter sur moi et sur la gâchette si le besoin s'en fait sentir. Sur ce coup là, on marches ensembles. Toi et moi, comme avant. Et si cet enfoiré continue son trafic, on va le coincer, je te le jure."

La brune prit quelques instants de réflexion pour répondre au mieux aux questions de son partenaire.

"La nuit, les vols ont eut lieu la nuit. Ça semble logique, personne ne surveille les morts la nuit, les croques morts ont trop peur de les voir se relever. Je pense donc qu'occuper la morgue en attendant de voir si on peut le cueillir, lui et ses complices, semble être le meilleur choix. Il reste encore un peu de temps avant que le soleil ne s'incline, tu devrais continuer ta ronde des commerces, je vais voir si je peux entendre quelque chose d’intéressant en attendant. On se retrouves ici ensuite ?"

Il ne fallait pas que le Shérif éveille les soupçons en changeant ses habitudes. Si les hommes préparaient un coup, ils devaient être à l’affût des moindres actions de l'homme de loi.

Theodore voyait des nouveaux visages tous les jours déferler dans sa ville. Depuis peu, Tumbleweed était envahie et le shérif ne savait pas trop quelle était la raison exacte de ce qui ressemblait à une ruée vers l’or. Néanmoins, il pouvait constater qu’il ignorait souvent l’identité des gens qu’il croisait au cours de sa journée. Il y avait les anciens, ceux qu’il connaissait bien. Et puis il y avait les nouveaux. L’homme que Sélèna lui montrait appartenait à la catégorie des entre-deux. Il n’était pas là depuis très longtemps mais Ted savait qu’il était le médecin de la ville. Il n’avait jamais vraiment eut besoin de ses services mais comme il avait un métier important et qu’il faisait parti des piliers qui soutenaient l’économie de la ville, il avait un rôle à jouer et Ted le connaissait un minimum. Mais il ne s’était jamais intéressé à l’homme. Aujourd’hui ne changea pas la donne.

Même la remarque de Sélèna ne semblait pas lui rappeler quoique ce soit d’important. C’était un homme comme un autre. La jeune femme devait sans doute le confondre avec quelqu’un ou alors elle l’avait déjà vu ailleurs, tout était possible. Ni l’un ni l’autre ne s’attarda sur cet événement et ils quittèrent alors le magasin pour revenir à la rue. Cependant, une fois qu’ils furent isolés et à l’abri des oreilles indiscrètes, Sélèna posa une question à son ancien amant. Cette question, Ted l’avait redoutée. Mais à présent il devait y faire face et il admettait ses torts. Il ne comptait rien lui cacher, toujours honnête envers elle.

Encore une fois, Sélèna prouva qu’elle le connaissait plutôt bien. Elle ne le blâmait pas, mettant simplement en avant les points positifs. Elle n’avait pas tort et Ted s’accrochait à ses paroles pour se redonner une contenance. Il n’avait certes rien fait de mal dans l’absolu, ce qu’il avait fait, c’était pour sauver Irina. Mais il savait que si les choses venaient à s’apprendre, ce serait la dernière chose qu’il ferait avant d’être pendu au bout d’une corde.

« Merci de ta confiance Lèna… Tu as sans doute raison, au moins je sais que je ne faillirais pas à protéger ceux qui me sont chers. Mais ce qui me fait peur c’est surtout si ça venait à se savoir. Du moins, par le colonel… S’il l’apprenait, il me ferait tuer aussitôt. »

Une chose était sûre, Sélèna était l’une des meilleures choses qui soient arrivées à Theodore. Là, il le réalisait encore une fois. L’avoir à ses côtés changeait beaucoup de choses pour lui. Elle savait comment lui redonner sa fougue et sa passion d’antan. Mais c’était également aussi un sacré risque. A cause d’elle, il pourrait être tenté de revenir en arrière. Et c’était réellement dangereux, il le savait. Pourtant, il ne reculait pas, il ne cherchait pas à l’éviter. Elle était devenue un peu comme une flamme à ses yeux. Quelque chose de beau, de magnifique, d’attirant, qu’on a envie d’approcher. Mais à trop s’en approcher, on se brûle jusqu’à se consumer entièrement. C’était cependant un risque qu’il était prêt à prendre.

« Je crois que l’un comme l’autre, on avait besoin de ça. Ce fut deux longues années difficiles et pénibles mais… à présent je pense que les choses vont changer. Je ne suis pas croyant mais je remercierais bien le seigneur de ton retour. Il n’y a que lui pour te ramener d’entre les morts. »

Mais ce qu’il ignorait, c’était qu’il n’y avait pas que Dieu et les croquemorts qui les géraient, les morts. Alors qu’il continuait son petit tour des commerces, Theodore fut interrompu par Sélèna dans sa tournée. Ce qu’elle comptait lui dire semblait réellement important pour qu’elle agisse ainsi, faisant en sorte que personne ne les voit ou ne les écoute. Elle lui expliqua alors que l’homme qu’elle croyait avoir reconnu tantôt était en réalité quelqu’un de peu scrupuleux qui n’hésitait pas à salit la mémoire des défunts.

Si voler un cadavre pouvait n’avoir techniquement aucune valeur marchande, elle avait une valeur sentimentale et surtout honorable. Déterrer les morts était très mal vu… et ne pas les enterrer l’était tout autant. Il n’y avait pas pire sacrilège, pas pire déshonneur que d’agir de la sorte. Et d’après Sélèna, cet homme en trafiquait. Ted ignorait ce qu’il comptait en faire mais l’important n’était pas là. Si elle avait raison, ils devaient l’arrêter au plus vite afin qu’il n’y ait plus d’autres sépultures violées. Enfin ils… C’était le travail de Theodore et non celui de Sélèna. Elle n’était pas vraiment du côté de la loi. Pourtant, le shérif savait que s’il lui demandait, elle l’aiderait. Ils étaient au dessus de la frontière criminelle/homme de loi.

« Alors il a intérêt de filer droit… car si tu as raison, il vit ses derniers moments d’homme libre. Je ne le laisserai pas agir de la sorte, surtout pas dans ma ville. Je suis content de pouvoir compter sur toi. J’en ai pas douté un seul instant. A nous deux, il n’a aucune chance de s’en tirer à bon compte. Il n’a pas eu de chance d’avoir croisé ta route… Dis donc, tu serais presque taillée pour être une femme de loi… »

Theodore lui fit un clin d’œil taquin, sachant pertinemment ce qu’elle en pensait. Mais malgré ce qu’elle pouvait dire, elle l’aidait. Ou plutôt, il l’aidait. Car c’était elle qui l’avait repéré, elle qui connaissait ses activités secrètes et elle qui… avait apostrophé le shérif pour qu’il arrête cet homme. Puisque tout venait d’elle, Theodore lui demanda quelques informations complémentaires. Comme prévu, les vols avaient lieu au cours de la nuit. Sélèna proposait qu’ils se séparent afin de ne pas éveiller les soupçons. En effet, mieux valait qu’ils n’aient pas l’air suspect et que personne ne les voit ensemble.

« Ca me va. Ecoute, à l’arrière du bâtiment du croquemort, il y a une grande pièce. C’est là qu’il embaume les cadavres. C’est une vieille porte qui coince et tout le monde la croit condamnée. Mais elle est juste un peu rouillée. Personne ne l’emprunte, mais nous on pourra passer par là pour s’y planquer. J’y allais souvent quand j’étais gamin, pour jouer… Enfin à l’époque c’était une boucherie… Ca n’a pas beaucoup changé au final. Enfin bref. Fais attention à toi Lèna. On se retrouve là-bas dès que possible. »

Ted amorça un mouvement vers elle comme s’il allait l’embrasser. L’habitude. Il avait même pris la peine de retirer sa cigarette de ses lèvres, la tenant en main. Se stoppant, il l’embrassa tout de même sur la joue puis reporta sa cigarette à ses lèvres avant de tourner les talons. Il sortit de la ruelle et reprit le rythme de ses visites, comme à son habitude. Il ne changea rien, agissant comme il le faisait toujours. Rien dans son attitude ne trahissait les plans qu’il avait en tête pour la soirée. Toutefois, il n’alla pas chercher Irina à la maison close. A vrai dire, il n’osait pas lui faire face, pas tout de suite. Il avait besoin de faire le point avant toutes choses.

Cependant, pour ne pas la laisser dans l’incompréhension et qu’elle ne s’inquiète pas de son absence soudaine, il lui laissa un mot lui indiquant qu’il ne serait pas là pour manger et qu’il ignorait à quelle heure il rentrerait exactement. Il détailla vaguement que c’était à cause de son travail et qu’il effectuait une traque. Inutile de préciser qu’il ne serait pas seul pour la faire… Une fois les choses réglées, il vérifia ses armes puis prit le chemin du bâtiment du croquemort. Il fit un détour afin de ne pas passer par la rue principale. Arrivé à destination, à l’arrière du bâtiment, il s’appuya contre le mur. Sélèna n’était pas encore là mais elle n’allait sans doute pas tarder. Il lui expliquerait alors comment ouvrir la porte discrètement et se glisser à l’intérieur. Pour l’heure, il se roula une cigarette. Il espérait même pouvoir en fumer plusieurs avant l’arrivée de la jeune femme. Car une fois à l’intérieur, plus question de fumer. L’odeur risquerait de trahir leur présence et donc de ruiner leurs plans…

Serrant un peu les dents, la jeune femme avait laissée un frisson parcourir son échine. Entendre Theodore mentionner son éventuelle mise à mort ne l'enchantait vraiment pas. C'était insupportable de le savoir en sursis permanent, menacé de perdre la vie au moindre faux pas. Et un faux pas, il en avait fait un, du moins aux yeux de ses autorités supérieures. Bien sûr, ce n'était certainement pas la brune qui allait rapporter son action, bien au contraire, mais, même si le silence était fait cette fois, Ted risquait encore de déraper, sa marge de manœuvre était si petite. Hors, la prochaine fois, il n'aurait peut-être pas la chance de n'avoir que des gens de confiance dans la confidence.

"Si ton colonel venait à l'apprendre Ted, je ferai en sorte que tu sois déjà loin quand il viendra imposer sa sentence. Et si le temps manque, alors, c'est lui qui disparaîtra. Je ne laisserai personne t'éloigner à nouveau de moi, pas même la mort, et encore moins un homme. Alors, ne t'en fais pas, tout va bien se passer. "

Léna parlait calmement, un sourire rassurant flottant sur ses lèvres. Pourtant, il ne faisait aucun doute qu'elle était sérieuse. Lorsque ce qu'elle aimait été en danger, elle pouvait devenir une vraie lionne, vive et acharnée. Hors, Ted était ce qu'elle aimait le plus au monde, avec la petite fille mexicaine qu'elle considérait comme sa sœur. De ce fait, le colonel avait du soucis à se faire. Car, même si l'armurier n'avait jamais abattus personne, il lui restait encore quelques précieuses relations qui elles n'avaient aucuns scrupules à le faire. Si elle devait en passer par là pour libérer l'homme de sa vie, elle n'hésiterait pas.

Mais pour l'heure, aucune élimination n'était d'actualité. Bien au contraire. Le duo se retrouvait enfin, après deux longues années de séparation et ils avaient encore du mal à se remettre de la résurrection de l'autre. C'était tellement irréel tant ils s'étaient fait une raison. Et pourtant, ils étaient bel et bien là, en face l'un de l'autre et la la jeune femme devait lutter à chaque instant pour ne pas lui sauter au cou et l'embrasser avec tout l'amour qu'elle éprouvait toujours pour lui. A défaut, elle se contenta de le taquiner un peu, le cœur léger et la joie à l'âme.

"Quoi il ne s'est passé que deux ans ? J'aurai dis une vie entière moi ! Peut-être même deux. En tout cas t'as raison, je suis pas spécialement croyante non plus, tu le sais, mais là on doit quelque chose à quelqu'un quelque part. Du coup, c'est quand qu'on se retrouves à l'église pour faire nos remerciements hmm ?"

Lèna se laissa ensuite aller à un petit rire doux et joyeux. Etre avec Theodore lui faisait vraiment du bien. Elle l'escorta donc pour la suite de sa visite des commerçants, prolongeant au maximum ce temps passé ensembles. Mais ce qu'elle ignorait, c'est que cela allait se déporter à la nuit et pas de la façon dont elle l'aurait rêvée.

En effet, après avoir enfin identifié l'homme qu'ils avaient croisés un peu plus tôt, l'armurier confia au shérif le drôle de trafic auquel il s'adonnait dans le temps. Rien n'assurait que le pillard de cadavre, médecin de la ville et répondant au nom de Garrett, pratique toujours ses anciennes activités, mais mieux valait en avoir le cœur net. Et pour cela, le seul moyen était de le prendre en flagrant délit. Evidemment, c'était là le travail de Theodore et non celui de Sélèna, mais sur ce coup ci elle désirait l'aider. Elle en aurait fait de même si il s'était agis de violeurs, de trafiquants d'enfants ou de nécrophiles... ce qu'il était d'ailleurs peut-être. La brune n'était certes pas toujours très droite dans ses bottes, mais elle avait des valeurs et des principes qu'elle était prête à défendre bec et ongles. On ne forçait pas l'intimité sexuelle des gens, on ne touchait jamais, ô grand jamais, aux enfants et on foutait la paix aux morts ! Les anciennes pratiques du médecin la dérangeait sérieusement et si elle pouvait s'assurer qu'il ne les exerces plus, tout en venant en aide à son âme sœur, elle n'allait pas se gêner.

"Je suis autant taillée pour être une femme de loi que toi nigaud. Mais après, si tu veux faire de moi la femme d'un homme de loi, je suis toute ouïe."

Tout en lui offrant un immense sourire, elle tendit la main vers lui. Elle le taquinait, autant qu'il la taquinait. Ils se cherchaient gentiment, partageant la complicité qu'ils avaient toujours eut. Lèna aurait certes était enchantée de devenir l'épouse de Theodore, après tout elle n'avait toujours su aimer que lui, mais sa remarque n'était pas là pour faire passer un message, c'était uniquement pour plaisanter un peu afin d’alléger le sujet qu'ils étaient en train d'aborder.

"Aller trêve de plaisanteries. On se retrouves là bas plus tard et je te promet de faire attention à moi, si tu fais attention à toi."

L'homme se pencha alors vers elle. Sans trop y songer, la jeune femme s'était attendue à sentir ses lèvres sur les siennes. Cependant, ce fut sa joue qu'elle rejoignirent. Evidemment, il l'avait prévenue qu'il avait besoin de temps. Se détournant rapidement afin de masquer une moue emprunte de déception, elle s'éloigna vers les abords de la ville. Elle même n'était pas capable de lui offrir ce genre de salut, pas encore.

Lèna passa ensuite le reste de l'après midi à laisser ses oreilles traîner. Elle ne posait pas de questions, ne désirant pas attirer l'attention sur elle, mais savait exactement à qui offrir un verre de trop, qui écouter de façon innocente et surtout, où le faire. Au début cependant, ça ne porta pas vraiment ses fruits et la brune commença même à douter que le médecin ait continué son étrange trafic. Cependant, alors qu'elle s'apprêtait à rejoindre Theodore pour lui annoncer qu'ils pouvaient annuler leur planque, elle surpris une conversation qui la renfrogna dans son idée première. Il y avait bien un trafic de cadavre dans le coin et le prochain rapt allait bientôt avoir lieu.

"C'est pas sain Miguel, j'te l'dis tu va t'apporter l'diable sur toi."
"C'est p'être ben vrai mais ça rapporte plus qu'de courir après des canassons toute la journée. Alors l'cornu il peut ben v'nir, j'aurais d'quoi lui acheter ma tranquillité, tu peux m'croire."
"Mais quand même... des morts, c'est cont' nature."
"Bha, j'leur fais juste faire un p'tit tour moi, rien d'plus. Ce soir ils s'couchent à la morgue, d'main ils sont en voyage. C'est mieux qu'd'etre bouffés par les vers non?"
"Pas sûr l'ami... pas sûr..."

L'armurier n'avait pas besoin de plus d'informations que ça. Quittant le rade où elle se trouvait, elle prit la direction de la morgue. Ce n'était pas bien difficile à trouver, c'était l'un des rares bâtiments légèrement à l'écart de la ville. Question d'odeur sans doute. En tout cas bien pratique pour y faire des activités nocturnes à l'abris des regards indiscrets.

Contournant l'édifice, la jeune femme eut un petit sourire en apercevant Ted appuyé contre la façade arrière. A vrai dire, c'est plutôt le point rougeâtre de sa cigarette qu'elle discerna en premier lieu mais une fois assez près, elle ne douta pas de l'identité de l'homme. Le rejoignant pour s'appuyer à ses côtés, elle lui offrit un petit sourire malicieux.

"On prend l'air monsieur le Shérif ? Vous faites bien, figurez vous qu'un délit va avoir lieu ici même, cette nuit. J'espère que vous êtes prêt à faire régner l'ordre."

S'approchant de lui elle lui retira l'espace d'un instant la cigarette des lèvres, fumant une taffe en le fixant dans les yeux, avant de la lui replacer à la bouche.

"Alors, on fait quoi? On va à l’intérieur ? Je te préviens je me planque pas sous un drap hein."

Après avoir écoutée les instructions du blond, la jeune femme lui emboîta le pas jusqu'à la porte rouillée. A l’intérieur, tout semblait vide et calme. Pourtant, dans le doute, Léna tira l'un de ses pistolets de son étuis, le conservant en main, alors qu'elle se glissait, à croupis, dans le bâtiment.

Partant du côté droit de la pièce, toujours baissée et avançant avec prudence, elle s'assura qu'il n'y avait personne, avant de revenir vers son compagnon, niant de la tête pour l'en informer. Il n'était cependant pas question de se redresser pour autant, leur silhouette risquant de les trahir si leur futurs "invités" se prenaient à regarder par les fenêtres.

La jeune femme s'installa donc, assise, contre l'une des structures en bois faisant office de table à mort. Elle tapota le sol à côté d'elle pour inviter Theodore à la rejoindre. Ils risquaient d'attendre un moment.

Dehors, l'obscurité s'était étalée mais la lune ronde offrait suffisamment de clarté aux deux jeunes gens pour qu'ils y voient sans peine. C'était une vraie bénédiction si jamais Léna se retrouvait dans l'obligation de tirer. Elle savait que si cela devait arriver, elle allait devoir assurer afin de se couvrir elle, mais également Ted. Pas question ici d'user de dynamite. De plus, elle n'était pas sûre qu'avec son nouveau statut il en possède encore sur lui.

"Si ça tourne mal, tu veux agir comment ? Avec cette lumière je pense pouvoir toucher trois hommes avant qu'ils ne détectent notre emplacement. Du moins, si ils arrivent par la porte principale. Mais si tu me dis de ne pas tirer, je le ferai pas. C'est ton arrestation, on fait à ta façon."

Dans son esprit, Léna était déjà en train de faire le plan des lieux. Les éventuels abris, les angles de tirs, les trajectoires de replis. Ils étaient là avant, ils avaient cet avantage, mais ils n'étaient que deux et l'armurier n'avait pas la moindre idée du nombre de gens qu'ils allaient devoir affronter. Avec un peu de chance, un tir de somation suffirait à faire fuir tout le monde. Mais dans ce cas là, Theodore devrait agir vite pour repérer l'investigateur principal du crime et le coincer avant qu'il ne se débine.

Soupirant un peu, Lèna tourna le regard vers l'homme à ses côtés. Malgré la situation épineuse dans laquelle ils risquaient de se retrouver, elle n'aurait voulue être nul part ailleurs. Souriant doucement elle déposa sa tête sur l'épaule de Ted, le coude posé sur son propre genoux, l'arme en main. Elle glissa ensuite sa main libre dans celle du blond, enroulant ses doigts aux siens, lui caressant le dos de la main du pouce.

"Tu vas rire mais, je suis bien là. Toi et moi, comme avant. Ça me manquait."

Ah ce qu'elle espérait que ceux qu'ils étaient venus chercher prennent leur temps. Elle avait envie de rester ainsi, contre lui, durant des heures. Elle aurait même aimée être à ses côtés des jours, des moins, des années... toute sa vie. Mais ça, ça ne dépendait plus que de lui. Pour l'instant, elle se contentait du temps qui leur était accordé et c'était déjà pas mal...

Tuer des gens ne faisait pas parti des compétences de Theodore. Il s’était toujours arrangé pour ne jamais avoir à se salir les mains. Sa réputation et sa puissance, il ne souhaitait pas la faire sur une montagne de cadavres. Il était au dessus de ça. Côtoyer Sélèna ne l’avait pas aidé à changer d’avis sur la question. Mais, depuis peu, il avait sauté le pas. Pas réellement volontairement, plus par nécessité qu’autre chose. Mais même si de nombreux éléments lui donnaient raison, cela restait un crime. Et si le colonel l’apprenait, il était un homme mort.

Sélèna voyait les choses différemment. Pour elle, Ted ne craignait rien. Elle avait plusieurs solutions déjà toutes prêtes, de l’évasion pure et simple à la tentative d’assassinat. Theodore écarquilla les yeux devant ses paroles. Il savait qu’elle était sérieuse et c’était bien ce qui l’effrayait. Mais quelque part… il la reconnaissait bien là. Il savait qu’en toutes circonstances, il pourrait compter sur elle pour protéger ses arrières. Quitte à devoir tuer un haut gradé de l’armée.

« Avec toi dans les parages, je ne m’en fais pas… Tu sais me rassurer mieux que personne. Mais j’espère que nous n’aurons pas à en arriver là. Notre vie mouvementée me manque mais… ça c’était avant. En tout cas, je suis content de te compter parmi les alliés… et mes proches. »

Theodore était sincèrement heureux de la retrouver, de voir que rien n’avait changé. La mort les avait peut-être séparés mais à présent, ils s’étaient retrouvés. Bien que tout n’était pas tout à fait comme avant, ils s’en accommodaient. C’était la providence qui les avait ramenés l’un vers l’autre. Sinon quoi d’autre ? Bien que non croyant, Ted devait admettre que c’était un véritable miracle. Ils auraient pu ne jamais se revoir même en étant tous deux en vie. Le pays était grand après tout… Sélèna avait le même sentiment, plaisantant à propos d’une visite à l’église pour remercier qui il fallait.

« Une vie entière… c’est certain. Elle n’était plus la même sans toi. Elle manquait cruellement de saveur. Je croyais qu’on avait pas besoin de mettre les pieds à l’église pour prier ? Et puis… à quoi bon prier maintenant que tu es là ? Au pire, je prierais pour que plus jamais tu ne disparaisses… »

Ils poursuivirent leur route tranquillement. Mais Sélèna s’agita bientôt lorsque ses souvenirs lui rappelèrent un détail des plus importants qu’elle s’empressa de faire connaître au shérif. Ici, à Tumbleweed, se trouvait un homme à l’activité des plus étranges. Il ne se contentait pas de voler des cadavres, il déshonorait aussi leur mémoire. Quand bien même Theodore n’était pas croyant, il ne tolérait pas une telle chose. S’en prendre à des morts était la pire bassesse. Ils ne pouvaient même plus se défendre… Mais c’était surtout parce qu’il savait que les gens du coin étaient assez pieux et que si une telle chose venait à se faire savoir, cela donnerait lieu à un beau scandale.

Le shérif devait agir. Et il comptait sur l’aide de sa partenaire de toujours. Comme il s’y attendait, elle accepta, étant motivée pour mettre fin à un tel trafic. A vrai dire, elle avait même déjà tout un plan en tête, prévoyant tout. Elle était même plus motivée que n’importe quel homme de loi. Et dire qu’elle était juste de l’autre côté… de la loi. C’était paradoxal mais Theodore lui fit remarquer qu’elle ferait une bonne femme de loi. Lui-même en était devenu un alors pourquoi pas elle ? La remarque l’amusa mais sa réplique laissa le shérif songeur. Même si elle disait cela pour plaisanter, l’idée traversa l’esprit de Theodore un instant. Si tout ça ne les avait pas séparé… elle serait sûrement sa femme à l’heure qu’il était.

« Tu sous-entends que je suis un piètre shérif ? Attends un peu que je t’enferme en cellule… La femme d’un homme de loi hmm ? Oh oui, je te verrais tout à fait mariée au colonel… Il paraît qu’il est riche tu sais. » fit-il pour la taquiner, un léger sourire aux lèvres

Ils ne tardèrent pas à se séparer chacun de leur côté, ayant une mission distincte. Theodore ne changea rien à ses habitudes pour ne pas paraître suspect mais la journée lui sembla bien longue. C’était sans doute parce qu’il savait qu’une fois le soir arrivé, quelque chose l’attendait. Il était rare qu’il soit actif pendant la nuit mais là, il n’avait pas le choix. Ayant toute confiance en Sélèna, il ne chercha absolument pas à obtenir le moindre renseignement, se cantonnant au plan prévu.

Une fois le moment venu, il se rendit discrètement jusque chez le croquemort, connaissant déjà les lieux. C’était un avantage de connaître l’endroit où ils allaient se rendre et sans doute se battre. S’ils s’y prenaient bien, il n’y aurait pas d’échange de coups de feu. Il valait mieux car Ted se voyait mal participer à une fusillade. Le but était de les arrêter et de faire cesser ces sombres activités… pas de déclencher des tirs par milliers.

S’adossant au mur extérieur du bâtiment, Theodore fuma plusieurs cigarettes en attendant l’arrivée de Sélèna. Il savait déjà comment entrer mais le reste ne dépendrait pas de lui. Il était même fort possible qu’il ne se passe rien cette nuit. Même si Ted croyait Sélèna, rien ne leur indiquait qu’ils allaient passer à l’action ce soir. Enfin ça, c’était parce qu’il lui manquait plusieurs informations. Peu après, Sélèna vint le rejoindre, s’appuyant contre le mur à côté de lui, laissant une petite plaisanterie. Ted se pencha alors vers elle, les yeux plissés.

« Ah oui ? Et comment savez-vous ça ? Vous êtes peut-être de mèche… Je vais devoir vous arrêter… »

Il la laissa le priver de sa cigarette pour fumer un peu, tendant les lèvres pour la récupérer ensuite. Elle lui demanda alors son avis sur la situation. Theodore pesa le pour et le contre mais se décida vite à entrer. Mieux valait qu’il soient aux premières loges s’il se passait quelque chose.

« Non, les caisses et… autres cercueils devraient suffire à nous dissimuler. Entrons, on pourra décider où se positionner pour mieux pouvoir les prendre par surprise. »

Theodore entra, laissant Sélèna pénétrer à l’intérieur avant de refermer. Personne ne se douterait qu’ils étaient là. Le shérif connaissait déjà les lieux mais laissa sa partenaire en prendre connaissance. Il regarda néanmoins comment étaient disposés les cercueils et autres meubles. Ce ne serait pas bien compliqué de les prendre par surprise vu qu’ils seraient forcés de passer par l’entrée principale. Personne ne connaissait l’entrée arrière. Ou en tout cas, tout le monde la pensait condamnée.

Sélèna trouva sa place et Theodore la rejoignit, venant s’asseoir à côté d’elle. Inutile de rester debout, l’attente risquait d’être longue… Ils pouvaient débarquer dans cinq minutes comme dans deux heures… s’ils se décidaient à débarquer. Pendant ce temps, les deux compères pouvaient planifier leur action ensemble. Ted supposait que les voleurs n’étaient pas forcément des mercenaires aguerris et donc qu’un échange de coups de feu ne serait pas nécessaire. Simplement les prendre sur le fait devrait suffire.

« Ne tire pas. Ce n’est pas un règlement de comptes, juste une arrestation. Les menacer et les prendre la main dans le sac devrait suffisamment les surprendre. S’ils tirent, riposte, n’hésite pas. S’ils fuient… on avisera. Je te fais confiance, je sais qu’à nous deux, on les coincera. »

Lorsqu’il sentit la tête de Sélèna sur son épaule, Theodore tourna la tête vers elle pour sourire à son tour. Mais lorsqu’il sentit sa main se glisser dans la sienne et ses doigts serrer les siens, il ne put s’empêcher de répondre à l’étreinte. Etre là, seul avec elle, dans une position des plus proches lui rappelait bien des souvenirs. C’était un peu comme s’il était retourné en arrière, plusieurs années auparavant, alors qu’ils ne s’étaient jamais séparés.

Il n’écouta même pas ce qu’elle lui disait. A vrai dire, il ne pensait plus à rien. Il était hypnotisé par son visage, par son regard. Il s’y était perdu. Instinctivement, il se pencha vers elle, posant sa main libre sur sa joue pour la faire se tourner un peu plus vers lui. Il déposa alors ses lèvres sur les siennes comme si c’était tout à fait normal. Son cœur était clair sur la question : pour lui ils ne s’étaient jamais séparés. Jamais. Son corps agissait donc de concert. Le baiser était d’abord doux, léger. Mais il se transforma rapidement en un baiser langoureux, passionné. Comment pouvait-il résister avec cette femme à ses côtés ? Il en avait oublié où il se trouvait et ce qu’ils étaient venu faire. Plus rien d’autre ne comptait à part elle…

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