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Tumbleweed. Enfin arrivée. Gina soupira doucement puis attrapa sa gourde pour terminer les deux trois gouttes qui restaient au fond. Elle ajusta son chapeau et entra dans la ville. Juchée sur son étalon noir, Gina surplombait les habitants qui s'écartaient sur son passage. Elle adressait ici et là des signes de tête, tenant légèrement son chapeau. C'était un signe que les hommes adressaient à ceux qu'ils croisaient. Gina s'amusait souvent à jouer les yeux, se pliant légèrement en avant, on avait du mal à distinguer ce qu'elle était. Mais aujourd'hui, Gina se tenait droite, montrant bien ses atouts féminins. Elle regardait alors les femmes la fixer, la bouche ouverte. Les hommes lancer des regards surpris. Mais peut être que ce n'était pas elle qu'ils fixaient comme ça, choqués.

Mais, revenons en arrière, quelques jours en arrière. Gina venait d'arracher l'oeil de « PetitPied » à l'aide d'une cuillère qu'il avoua enfin ce qu'elle réclamait depuis quelque heures. Oui, Gina avait tenu près de trois heures. Enfin, c'était plutôt « PetitPied » qui avait tenu plus de trois heures avant de craquer et de balancer sans hésiter ce qu'elle voulait. Elle voulait simplement des renseignements sur les frères Magennis. Et leur cousin bien entendu. Elle espérait les retrouver un jour et leur faire la peau. Alors que le bandit cracha enfin le morceau, Gina lui remit son œil dans la main et lui tapota la joue, lui balançant comme à un gamin qui venait enfin d'avouer une bêtise qu'il avait faite.

Bah tu vois quand tu veux...

Puis elle avait quitté la cellule de la prison. Le shérif la fixait, bouche bée, choqué de ces méthodes quelques peu barbare. Il devait certainement comme une femme comme elle pouvait avoir appris tout ça. Et Gina lui aurait certainement répondu qu'elle ne l'avait certainement pas appris dans la bible. D'un léger sourire qui sonnait faux, Gina salua le shériff, lui laissant le pauvre homme qui pleurait et tentait de recoller son œil dans son orbite. C'était particulièrement pathétique quand on le voyait faire. Satisfaite, elle quitta le bureau et se remit en selle, talonnant son destrier pour prendre la direction de Tumbleweed.

Le chemin était long jusqu'à la ville. Et qu'allait elle faire durant toute cette longue route ? Chanter ? Probablement. Et surtout tenter de ne pas mourir de faim ou de soif. Gina aimait ce genre de traverser. C'était toujours pleins de surprises. Et des surprises, Gina en ramènerait à Tumbleweed. D'ailleurs, elle en avait déjà entendu, ce n'était pas très loin du Mexique. Elle fit une moue frustrée. Elle détestait l'espagnol. Elle préférait encore l'accent de son père. Un bel accent allemand. Gina fit une moue légèrement triste pour le coup. Elle secoua doucement son visage pour oublier tout ça. Elle se trouva donc une jolie occupation sur la route qui la menait doucement à Tumbleweed.

Et voilà le moment où Gina entrait dans la ville, perchée sur son étalon noir qui traînait la patte. La demoiselle s'arrêta un instant près d'un petit garçon qui la fixait, la bouche entrouverte. Il tenait dans ses mains un ballon et n'osa pas bougé. La demoiselle baissa son regard vers lui et releva légèrement son chapeau avant de se pencher vers lui. Elle baissa son foulard et lui sourit.

Salut... Tu peux m'indiquer le bureau du shérif s'il te plait ?

Le petit garçon mit un petit moment à réagir. Puis très lentement, sans détourner son regard de Gina, il indiqua la direction du bureau. La jeune femme tourna son regard dans la direction indiquée et reposa son regard sur l'enfant qui semblait toujours autant perturbé de voir une femme dans cette tenue et peut être aussi que ce qu'elle traînait dans son dos devait les effrayer un peu. Elle lui sourit de nouveau et se redressa avant de fouiller dans une de ses poches. Elle lança à l'enfant une pièce et le salua, se remettant en route. L'enfant la regarda partir avec un large sourire, serrant la pièce contre son cœur.

Gina stoppa son cheval devant le bureau du shérif et pinça les lèvres. Est ce qu'il était à au moins ? Elle n'en savait foutrement rien. Attendant une minute avant de descendre de selle, elle se roula une cigarette qu'elle coinça entre ses lèvres, après avoir ôté son foulard, et l'alluma en craquant une allumette sous sa botte. Tirant dessus avidement, elle se retourna un instant puis finit par descendre de selle. Elle se massa doucement la nuque et s'avança vers l'arrière de son cheval, faisant courir sa main sur la robe noir ébène de l'animal. Elle attrapa une corde attachée à la selle et la suivit, la gardant dans la main. Elle arriva devant un premier homme, simplement vêtu d'un union suit rouge. Il fixait le sol, solidement attaché par des chaîne, à la corde. Puis elle continua de marcher, un autre homme, puis un autre, puis encore un autre. Au total, Gina se traînait dix Hors-la-loi qu'elle avait ramassé sur la route, en venant. Elle les contourna et s'avança vers l'entrée du bureau, venant frapper à la porte.

Shérif, j'ai un colis pour vous !

Elle se colla contre le mur et sortit les primes qui portaient les têtes des dix détenues. Elle pinça doucement les lèvres et attendit l'arrivée du shérif.

Les pas du cheval était la seule source de bruit des environs. Theodore avait les yeux fermés, laissant sa monture le guider, lui faisant confiance pour savoir où aller. Ici, aucun risque qu’elle aille soudainement bifurquer pour aller brouter un brin d’herbes, il n’y en avait pas. La seule chose qu’il y avait, c’était un sol sableux et rocheux et une plaine entièrement faite de cette matière. Autant dire que le premier fermier qui désirait faire pousser quelque chose ici serait catalogué de fou et d’utopiste. Cette terre n’était juste bonne à rien. C’était sans doute pour cette raison que le Fort Bayer y avait été construit. Ici, on était loin de tout, il n’y avait rien dans les environs pour se cacher ou pour survivre en cas de fuite. Sans monture, c’était la mort assurée ou presque. D’ailleurs, à chaque fois qu’il y allait, Ted avait l’impression de mourir. Peut-être parce qu’il ressentait plus que jamais la menace de la corde ?

Le matin même, il avait reçu un télégramme du colonel lui demandant de venir à son bureau. Ted n’était jamais ravi d’être face à face avec cet homme mais il n’avait pas le choix, cela faisait parti de son métier qu’il le veuille ou non. A chaque fois qu’il le voyait, il avait l’impression de voir son bourreau. Peut-être parce que le colonel en question avait pouvoir de vie et de mort sur lui ? Theodore rageait déjà rien qu’à l’idée de lui obéir ou de lui rendre service. Le colonel le savait et il s’en amusait bien souvent. Jouer avec ses nerfs était son passe-temps favori. Ignorant pourquoi il avait été convoqué, il s’attendait au pire. Quelqu’un était au courant de son meurtre ? Impossible, il était sûr et certain qu’Irina n’avait rien dit à personne et il n’y avait eu aucun témoin. Mais il ne voyait pas non plus pourquoi le colonel le convoquait ainsi. Ce n’est qu’une fois sur place qu’il eut la réponse.

Le colonel voulait tout simplement lui donner une liste d’affiches à placarder le long du mur extérieur de son bureau. Tumbleweed était devenue une ville peuplée et il n’était pas rare que la cité ou même les environs soit peuplés de bandits en tout genre. Seul, le shérif ne pouvait tout gérer. Le colonel faisait donc appel aux chasseurs de primes en offrant diverses récompenses pour la capture de ces hommes dont les portraits figuraient sur les affiches. Etait-ce une façon de lui dire qu’il le trouvait incompétent ? Il en doutait quelque peu. Theodore faisait tout ce qu’il pouvait mais il restait limité dans ses fonctions. De plus, il y avait de plus en plus d’arrivants dans cette ville et il ne pouvait être partout à la fois. Sans broncher, Theodore s’empara des affiches, salua le colonel puis sortit, rangeant les documents dans la sacoche sous la selle de son cheval.

C’était ainsi qu’il quitta le Fort et repartit en direction de Tumbleweed. Il n’était pas tellement pressé de rentrer alors il prit son temps, laissant sa monture aller à son rythme. Il l’avait un peu pressée pour l’aller alors pour le retour, pas question de lui infliger ça à nouveau. C’était calme, Ted se serait presque endormi à cause du bercement que lui procurait les mouvements du cheval. Pourtant, un bruit ne tarda pas à se faire entendre. Un bruit de cavalcade, de roues… Ted ouvrit les yeux juste à temps pour voir une diligence lui arriver dessus. Elle dégageait un nuage de poussière à cause du galop des quatre chevaux qui la trainaient. Le shérif attrapa le foulard rouge qu’il avait toujours autour du cou puis le remonta sur son nez pour éviter de se retrouver étouffer par ce déluge de poussière qui lui arrivait droit dessus. La diligence passa non loin de lui, sans ralentir, et disparue comme elle était réapparue. Ted baissa son foulard dès que la poussière retomba, toussant un peu. Qu’avaient-ils à être si pressés ? Ils auraient pu faire un écart… Encore un peu et ils le renversaient !

Continuant sa route, il ne tarda pas à rejoindre Tumbleweed. Plutôt que de passer par la rue principale, il fit tout simplement le tour pour arriver à l’arrière de son bureau. Là, il descendit de son cheval et le laissa libre de paitre dans son enclos. Le débarrassant de sa selle et de tout ce qui l’encombrait, Ted le laissa là et déposa le tout dans un espace de rangement approprié. Les mains libres, il en profita pour se rouler une cigarette, l’allumant puis tirant quelques taffes dessus. Il prit ensuite la sacoche qui contenait les affiches et fit ensuite le tour du bâtiment pour pouvoir se rendre à l’intérieur. Sauf qu’il ne s’attendait pas à voir une telle chose devant chez lui.

Se stoppant, surpris, il constata qu’il y avait bon nombre de personnes devant le bureau. Tous portaient un union suit. C’était la seule chose qu’ils portaient à vrai dire… Tous à la queue-leu-leu, l’air misérable, les mains liées. C’était quoi ça ? ~~Une pyjama party ?~~ Jamais Theodore n’avait vu une chose pareille. Vu la façon dont ils étaient liés et entravés, nul doute qu’ils étaient prisonniers. Mais prisonniers de qui ? De là où il était, il ne voyait que les hommes. Remuant légèrement la cigarette qu’il avait dans la bouche, Ted s’approcha du groupe d’hommes.

« Si vous cherchez l’hôtel messieurs, vous vous êtes trompés de bâtiment. »

Bien évidemment qu’ils ne cherchaient pas l’hôtel mais leur tenue amusait Theodore qui n’aurait vraiment mais alors vraiment pas aimé être à leur place. Alors qu’il les contournait, il remarqua une jeune femme, appuyée contre le mur. Elle fumait tranquillement, semblant attendre quelque chose. Ted l’observa rapidement et supposa que c’était elle qui les avait trainés là. Qui d’autre ? En fait, le fait que ce soit une femme ne le surprenait même pas. Lorsqu’il avait fait parti d’un gang, le membre le plus dangereux du lot avait été une femme. Mieux que personne, elle savait menacer quelqu’un et lui tirer les vers du nez. Ted ne s’étonnait même plus de voir une femme se comporter comme un homme. Il n’allait certainement pas la traiter comme une demoiselle fragile et incompétente. Comment douter de ses compétences ? Dix hommes se trouvaient là, menottés et fagotés comme des moins que rien. Nul doute qu’elle savait y faire. Malgré tout, Ted restait quelqu’un de poli, surtout envers les femmes. Il retira son chapeau, le soulevant de son crâne pour saluer l’arrivante, puis le reposa sur sa tête.

« C’est une jolie prise que vous avez là. Vous me direz votre coin de pêche, que j’aille y faire un tour ! » fit-il en souriant avant de regarder le troupeau d’hommes « Rassurez-vous les gars, vous n’allez pas rester dehors. Vous allez avoir une jolie cellule avec de jolis barreaux. Si vous êtes sages, vous pourrez même y rester plusieurs jours avant de finir au Fort. »

Ted reporta son attention sur la jeune femme. Elle tenait à la main une série d’affiches similaires à celle que contenait la sacoche du colonel. Nul doute sur le fait qu’elle soit chasseuse de primes… Aucune étoile ne décorait sa poitrine, elle ne représentait donc aucunement la loi, même si elle était sans doute mandatée par l’état. Si elle arborait les affiches, c’était sans doute qu’elle désirait la récompense qui allait avec. Dix hommes en vie… Cela en faisait un joli pactole. Heureusement que ce n’était pas Theodore qui allait la payer. Mais pour l’heure, il devait déjà s’occuper de mettre les hommes en cellule. Ouvrant la porte du bureau, il constata alors un léger problème.

« Je vais devoir songer à agrandir… » murmura t-il à lui-même en voyant le nombre de cellules

Il n’y avait que cinq cellules dans le bureau, pas une de plus. Et les prisonniers étaient dix. Voilà qui posait un léger problème… Mais ce n’était pas comme si le confort était la priorité de Theodore. C’était des criminels après tout. Sortant, il s’approcha d’eux et attrapa la corde qui les maintenait tous les un aux autres avant de tirer dessus.

« Permettez que je vous débarrasse de cette vermine. » fit-il à l’adresse de la jeune femme « Allez messieurs, en route. Vous allez devoir vous serrer mais je vous assure que c’est agréable comparé à ce qui vous attend ensuite. »

Il les traina à l’intérieur et en casa deux par cellule. Il n’y avait qu’une couchette mais c’était à eux de se débrouiller. S’ils s’entretuaient… et bien tant pis. Cela ferait des transferts en moins. Seulement, Theodore redoutait un peu qu’ils en viennent vraiment aux mains. Le colonel n’apprécierait sans doute pas… Refermant les cellules, Theodore contourna son bureau et fouilla dedans à la recherche d’un document pré-rempli. Il commença à griffonner dessus.

« Ca va vous faire un sacré paquet d’argent. Vous avez de la chance, la banque est encore ouverte à cette heure là. D’ailleurs, je ne vous avais encore jamais vue. Je suis le shérif Winston, à qui ai-je l’honneur ? »

Lisant les primes sur les affiches qu’elle lui avait donné, il nota le montant dû et signa. Il lui tendit ensuite le papier, récompense nettement méritée.

Gina attendait sagement contre le mur que le shérif se décide à montrer le bout de son nez. En attendant, Gina prit le temps d'observer un peu la rue qui s'offrait devant elle. Elle constata qu'elle était commune, comme toutes les autres villes. Ca en devenait lassant. C'était toujours pareil. Elles se ressemblaient toutes. Gina poussa un long soupir en recrachant la fumée de sa cigarette. Et pourquoi elle ne cesserait pas tout pour s'installer quelque part ? Elle avait bien assez d'argent pour vivre aisément et tranquillement sur le long terme. Peut être même qu'un jour elle pourrait se laisser séduire par un homme. Elle secoua doucement la tête, venant frotter son front en retirant son chapeau. Il fallait qu'elle cesse de penser à ça. Il fallait vraiment qu'elle cesse d'y penser. Ca la mettait toujours dans tous ses états. Elle pouvait encore sentir la violence des coups de reins contre son corps, la douleur qu'ils lui infligeaient, un par un. Les larmes qui roulaient sur ses joues et les hurlements désespérés qu'elle poussait en espérant qu'un bonne âme vienne la délivrer. Elle entendait les hurlements de son père. Il les insultait, puis il demandait à Gina de ne pas se débattre, que tout irait bien.

Tout ira bien...

Fermant doucement les yeux, Gina murmurait souvent ça lorsqu'elle songeait encore à cette funeste après midi. Gina ne voulait plus y penser. Elle voulait faire son deuil et oublier. Il fallait qu'elle les trouve. Il fallait qu'elle les tue après leur avoir infligé les pires sévices qui lui trottaient dans la tête. Gina regorgeait de violences et elle savait parfaitement comment elle les punirait. Mais en attendant, elle devait se concentrer sur son chargement spécial. Elle tourna la tête vers la porte qui était toujours close et poussa un profond soupir. Il était où ce shérif à la con ? Bien que très patiente, Gina avait très soif. Elle avait une grosse envie d'aller se désaltérer au saloon avec un bon whisky irlandais. Mais elle avait encore beaucoup de choses à faire. Fouillant dans la poche de son pantalon, Gina en sortit un joli poing américain qu'elle avait piqué dans les affaires d'un des prisonniers. Alors qu'elle l'essayait, sa clope coincée entre ses lèvres, une voix masculine s'éleva non loin d'elle. Visiblement, il s'adressait à ses gars. Puis enfin, le shérif se montra. Ce n'était pas trop tôt. Gina se décolla du mur alors qu'il s'avançait vers elle, lançant avec beaucoup d'humour qu'il fallait qu'elle lui montre son coin de pêche.

Gina ne réagit pas du tout à la blague et le laissa parler dans le vide. De toute évidence, elle n'avait aucune envie de rire. Ou alors elle n'avait pas compris la petite pointe d'humour du shérif. Soupirant doucement, elle décolla la cigarette de ses lèvres et les humecta doucement, suivant le shérif du regard qui alla chercher son chargement après avoir prit les avis de recherche mais surtout après avoir annoncé que la prison serait trop petite. Gina s'en foutait complètement. Elle était un peu concentrée sur le visage du shérif. Il lui disait quelque chose. Bon Dieu, elle l'avait déjà vu quelque part mais où ?! En fouillant un peu sa mémoire, elle finirait par trouver. Le shérif guida les dix détenus dans le bureau, les enfermant deux par deux dans chaque cellule. Gina entra lentement dans le bureau.

Elle n'aimait pas beaucoup la façon qu'il avait de se comporter avec elle. Trop galant à son goût. Avec Gina, pas la peine de se conduire comme le parfait gentleman, ça ne l'atteignait même pas. Elle se détourna rapidement du shérif puis longea les cellules, fixant chaque tête qui la regardait avec l'envie de la crever. Les bras croisés contre sa poitrine, Gina admirait presque ses prises. Puis elle s'en détourna pour revenir au bureau, regardant le shérif noter son montant et signer. Elle prit doucement le papier qu'il lui tendait et le plia, sans vérifier. Il se présenta. Winston... Ce nom résonnait dans son crâne comme si elle l'avait déjà entendu. Fatiguée de chercher, elle rangea le papier dans sa veste et posa son regard sur le shérif. Il attendait sûrement qu'elle réponde à sa question. Soupirant doucement, Gina se détourna du shérif.

Gina McLane... Je dois les interroger... Un par un...

Gina chercha les clés sur le bureau et les prit sans rien demander. Elle s'avança vers la dernière cellule et sortit son Smith&Wesson, le braquant sur le prisonniers. Ils reculèrent tous les deux, comme si d'aller se coller contre le fond de la cellule pourrait sauver leur vie. La jeune femme désigna le plus grand et lui fit signe d'approcher. Elle ne semblait pas vouloir rigoler et il le savait que trop bien. Elle ouvrit la cellule et l'invita à sortir, refermant rapidement derrière lui. Il ne broncha pas.

Si tu te mets à t'enfuir, je t'explose les rotules...

L'homme connaissait la chanson. D'ailleurs, les Hors-la-loi savaient que croiser le chemin de Gina était voué à une mort certaine si on tentait de s'enfuir. Elle avait la gâchette facile et ne s'en cachait pas. Elle le poussa vers une chaise et l'invita à s'y asseoir, venant lui menotter les mains à la chaise. Voilà que sa prise était bien ficelée sur cette chaise. Gina pouvait donc aisément lui faire ce qu'elle voulait. Elle se tourna vers le shérif en retirant sa veste, dévoilant un serre taille en cuir noir sur une chemise blanche à manche courte, descendant sur les bras. Gina inspira profondément en passant sa main sur son ventre et posa son regard sur le shérif.

Vous auriez du whisky ? Irlandais de préférence...

Elle n'avait décidément pas le temps d'aller se détendre au saloon. Lorsque Gina voulait des réponses sur quelque chose d'important, elle faisait tout pour les avoir. Elle les voulait maintenant. Plus vite elle les retrouverait, plus vite elle pourrait laisser sa maladie la faire crever. Gina n'était pas dupe. Elle n'avait plus aucun avenir dans ce monde emplit de cruauté. La douceur, elle l'avait connu lorsqu'elle était bercée par ces filles de joie chez qui elle vivait le temps que son père accomplissent des primes trop dangereuses pour une petite fille. De la tendresse, elle en avait reçu de son père, bien plus que ce que pouvait penser les gens. Freddy était le genre d'homme à prendre soin des gens qu'il aimait. Et sa fille, bien qu'adoptive, il l'aimait plus que sa propre vie. Il avait toujours tout fait pour voir le sourire de Gina ne jamais s'éteindre. Chaque fois il lui ramenait un cadeau. Pas de poupées, pas de robes. Des armes, des boucles de ceinture. Gina était une fille totalement à part. Mais elle avait bien changé. Beaucoup trop changé depuis la mort de son père. Les choses s'étaient déroulées bien trop tragiquement. Il aurait pu mourir d'une maladie ou alors accidentellement, en tombant de cheval. Non, le destin a voulu qu'ils croisent la route des quatre hommes tous plus dangereux les uns que les autres. Ce fut la dernière erreur de Freddy. Ca lui avait coûté la vie et ça avait coûté la virginité de Gina.

Depuis ce jour, elle évitait vraiment les gens. Elle ne voulait plus s'attacher. Elle refusait totalement d'avoir des amis. Gina savait parfaitement que si elle s'attachait de nouveau aux gens, un drame identique se reproduirait. Elle deviendrait bien trop parano pour laisser ses amis vivre tranquillement. Alors forcément, songer à tomber amoureuse. Gina ne pouvait plus songer à quelconque avenir normal pour elle. Elle craignait les hommes, tous, au point d'avoir une haine profonde pour eux. Les haïr les rendait distants. S'ils étaient distants, Gina n'avait aucune chance d'être à nouveau violée ou de succomber pour l'un d'eux. Sortant de ses pensées, elle se tourna vers le détenu qui la fixait, nerveux.

Tu connais les frères Magennis ?

L'homme secoua vivement sa tête. Gina plissa les yeux et enfila le poing américain entre ses doigts, lentement, sans quitter l'homme du regard. Elle pinça doucement les lèvres. Il mentait. Ils mentaient toujours. Ils essayaient de protéger leurs semblables mais ils n'hésitaient pas se tirer dans les pattes s'il y avait une jolie récompense à la clé. Gina s'avança lentement vers l'homme, et se colla presque contre lui, baissant les yeux en lui relevant le menton. L'homme avait la tête à hauteur de sa poitrine mais la peur le faisait regarder le visage de la jeune fille. Elle glissa une main dans ses cheveux crasseux, la descendant lentement sur sa nuque. De son autre main, elle fit glisser l'acier froid sur poing américain sur sa joue, murmurant presque.

Tu sais où ils sont hein ? Tu vas me le dire n'est ce pas ? Tu sais, je m'en fiche que tu crèves... C'est pas la prime que tu vaux qui m'intéresse mais plutôt les informations que je te demande... Où-sont-les-frères-Magennis... ?

L'homme bafouilla un « je ne sais pas », signe qu'il avait bien mentit juste avant. Intimider le vilain, Gina faisait toujours ça. Même si ses méthodes étaient à revoir, elle fonctionnait la plupart du temps. Elle pinça doucement les lèvres et prit une mine contrite.

C'est pas bien de me mentir...

Gina se recula alors légèrement et l'homme se mit à hurler qu'il ne mentait pas. Peu convaincue de sa sincérité, la jeune femme leva son poing armé et frappa brutalement l'homme qui tomba à la renverse avec la chaise. Elle secoua légèrement sa main en grimaçant. Frapper comme ça c'était toujours douloureux, surtout avec un poing américain. Elle redressa l'homme non sans mal et lui tapota l'épaule. Elle posa son regard sur le shérif, constatant qu'il était toujours là.

Oh... Excusez moi, je les interroge et ensuite je m'en vais... J'espère que je ne vous dérange pas !

Oh, elle s'en fichait de le déranger. Elle ne partirait pas tant qu'elle n'aura pas interrogé chaque prisonniers. Sur les dix, il devait bien y en avoir un qui savait où se trouvait les quatre hommes qu'elle cherchait. Elle détacha le malheureux qui pleurait en gémissant des « je sais pas » et des « je le jure ». Gina savait qu'il ne mentait pas. Enfin, elle le supposait. Il avait l'air si pitoyable qu'elle n'avait plus envie de déverser sa colère sur lui. Elle le recolla dans sa cellule et attrapa l'autre qui était bien moins enclin à se faire tabasser. Mais Gina ne lui laissa pas le choix. D'un coup dans l'estomac, elle le traîna sur la chaise et le menotta. Elle sentait que ça allait être long maintenant et que son repos était bien, bien loin.

Theodore ne s’attendait pas à trouver un tel attroupement devant chez lui alors qu’il venait à peine de rentrer de Fort Bayer. Une jeune femme se trouvait là, à côté du troupeau d’hommes attachés les uns aux autres. Pas la peine d’être un savant pour deviner que c’était elle qui les avait amenés là. Vu comme ils se tenaient sagement, nul doute qu’elle savait comment les mener à la baguette. Il régnait un silence de mort et le shérif voulu faire un trait d’humour pour les premiers mots qu’il allait adresser à celle qui avait réussi à réunir tout ce petit monde. Mais rien ne bougea chez elle, pas un sourire, pas même un haussement de sourcils. Elle n’avait pas l’air très réceptive. Tant pis.

Guidant les hommes jusqu’aux cellules, Theodore les y casa deux par deux. Ils étaient un peu à l’étroit mais tant pis pour eux. Les prisonniers n’étaient pas censés avoir droit au confort de toute façon. La plupart d’entre eux allait être pendu alors il était inutile de les habituer à être bien. Au moins, ils avaient quelques jours de répit devant eux. Peut-être assez de temps pour se repentir avant d’être balancé au bout d’une corde. Parfois, Ted se sentait un peu solidaire avec ces malfrats. Lui aussi, il pourrait bientôt se retrouver derrière les barreaux.

La jeune femme ne bronchait pas mais elle fit tout de même l’effort de répondre à la question qu’il lui posa. Elle se présenta comme se nommant Gina McLane. Jamais auparavant il n’avait entendu ce nom. Une nouvelle venue, assurément. Et pas bien bavarde… Mais difficile de lui en tenir rigueur. Elle devait être épuisée après une telle traque. S’emparant du papier qu’il lui tendait sans même le regarder, elle annonça qu’elle devait interroger tous les prisonniers. Theodore haussa un sourcil, perplexe. Pourquoi ne pas l’avoir fait avant ? C’était sans doute trop compliqué avec tous ces hommes à la fois… Ici au moins, elle était tranquille. Mais Ted était curieux de savoir ce qu’elle désirait leur demander. Sans lui demander son avis, elle s’empara des clés et ouvrit l’une des cellules.

« Faites donc. » lança t-il bien qu’il se doutait qu’elle ne l’écoutait pas vraiment

Puisque la chasseuse de primes faisait comme s’il n’était pas là, usant de son matériel sans lui demander son avis, Theodore fit de même. Ouvrant un tiroir, il sortit de quoi se rouler une cigarette. Finalement, il en fit deux, dont une qu’il posa sur un coin du bureau. Il avait remarqué que Gina fumait à son arrivée et donc si elle en désirait une, elle n’avait plus qu’à se servir. Il cala l’autre entre ses lèvres et gratta une allumette sur son bureau pour l’allumer. Gina se tourna alors pour lui demander à boire. Elle désirait du whisky, plutôt de l’irlandais. Ted tourna les yeux vers la bouteille d’alcool qui se trouvait dans le tiroir qu’il avait ouvert. Nulle étiquette dessus. Il s’agissait bien de whisky mais quant à en dire la provenance… Extirpant 2 verres du tiroir ainsi que la bouteille, Theodore se chargea de les remplir. Il déposa le verre non loin de la cigarette.

« C’est du whisky mais je ne jurerais pas qu’il est irlandais. »

Reculant sa chaise, Ted attrapa son verre puis posa ses pieds sur son bureau, croisés, attendant que le spectacle commence. Oui parce que vu comment Gina avait placé le prisonnier et vu ce qui décorait sa main, il n’allait pas tarder à se passer quelque chose. Tout dépendrait sans doute du prisonnier mais le shérif doutait qu’il parle si facilement… surtout s’il ne savait rien. Ted n’était pas dérangé plus que ça par une vague de violence dans son bureau. Gina pouvait bien faire ce qu’elle voulait, c’était ses prisonniers. Et puis, Ted était curieux de voir comment elle allait s’y prendre.

L’interrogatoire commença. L’homme ne disait rien, même sous la menace. Gina était presque effrayante avec sa façon de faire. Ted l’observait, bien qu’elle lui tournait le dos. C’était une belle femme malgré son comportement masculin. Elle avait dû suivre la voie des chasseurs de primes depuis belle lurette puisqu’elle avait l’air expérimentée. Pourtant, elle ne semblait pas être bien vieille. A peine plus jeune que Theodore peut-être. Sa façon d’être et son accoutrement rendait difficiles l’estimation de son âge. Levant son verre devant lui, Ted le vida intégralement, regardant le spectacle sans sourciller. Il était habitué à la violence et cela ne le dérangeait pas du tout. Ces hommes l’avaient sans doute mérité de toute façon. Il espérait juste que la jeune femme ne le connaissait pas et ne le reconnaitrait donc pas. Ted détestait les chasseurs de primes mais il n’en laissait rien paraître.

Gina l’interrogea à propos de certains frères Magennis. Ce nom n’était pas inconnu au shérif, il avait déjà entendu parler d’eux. Ils étaient même passés dans les environs plusieurs fois. Mais cela faisait un moment qu’il ne les avait plus vu. Il se doutait qu’ils avaient une planque dans les environs mais était-ce toujours d’actualité ? Ted balaya son regard sur ses nouveaux pensionnaires tandis que Gina faisait retourner son prisonnier en cellule. L’un d’eux attira son attention à cause de la marque qu’il portait sur le visage. Une brûlure en forme de P allongé décorait sa joue. Nul doute qu’il avait déjà eu affaire à ce type par le passé, il le reconnaissait. Lorsque Ted était encore un hors la loi, ils avaient presque failli s’entretuer. Ce type faisait parti de la bande de Casus et cette dite bande travaillait de parfois de concert avec les Magennis. C’était une piste plutôt intéressante à explorer. Mais comment expliquer ça à Gina sans qu’elle ne se doute de rien ? Cette dernière s’excusa d’ailleurs, annonçant qu’elle comptait tous les interroger. Ted hocha légèrement la tête.

« Permettez alors que je participe, je m’ennuie un peu. »

Sans attendre son aval –après tout il était chez lui-, Ted se redressa puis se leva, laissant échapper un léger nuage de fumée. Il s’approcha des cellules, regardant tour à tour les prisonniers puis s’arrêta devant celle du membre de la bande de Casus. Attrapant les clés, il ouvrit la cellule puis s’approcha de l’homme, lui faisant signe de sortir. Ce dernier fronça les sourcils et le pointa du doigt.

« Tu crois que j’vais m’laisser faire ? Surtout par toi ! T’es com… »

Impossible pour lui de parler davantage, Ted venait de sortir un bâton de dynamite de son veston et le lui avait planté profondément dans la gorge. Ainsi, il le faisait taire, l’empêchant de révéler tout haut qu’il était un ancien hors-la-loi. De plus, la menace du bâton dans la bouche allait bel et bien lui servir pour le faire parler. Ted savait que l’homme ne parlerait pas facilement alors il employait des grands moyens tout de suite. L’attrapant par le col, il le tira hors de la cellule puis la referma. Il le fit s’asseoir sur la chaise, l’y menottant avant qu’il ne cherche à se débattre. Voyant qu’il cherchait à recracher le bâtonnet, Theodore lui donna un coup dans le menton pour qu’il serre les dents. Mais afin qu’il ne bouge plus, il attrapa une corde et lui ficela la tête avec, entourant son crâne comme un œuf de Pâques. Ainsi, il ne pouvait plus ouvrir la bouche, ses dents étant serrées contre le bâton. Elles entamaient déjà la protection du bâton mais il ne risquait pas non plus de le sectionner.

« Alors, toi je sens bien que tu sais quelque chose à propos des frères Magennis. Où tu les as vu pour la dernière fois ? »

Le prisonnier se débattit, n’ayant pas spécialement l’air de vouloir coopérer. Theodore soupira puis attrapa la longue mèche qui dépassait du bâton. Détachant le couteau qui reposait à sa ceinture, il le fit glisser le long de la mèche, allant et venant lentement.

« Voyons voir… Combien de temps je vais te laisser… Hmmm… Allez, trente secondes devraient suffire ! »

Coupant la mèche pour qu’il n’en reste qu’une petite partie, Ted attrapa ensuite une allumette qu’il frotta à nouveau contre le bureau. Une petite flamme naquit et le shérif alluma alors la mèche qui commença à s’illuminer tel un feu d’artifice. Les yeux du prisonnier s’écarquillèrent de peur mais cela n’attendrit pas Ted le moins du monde. Attrapant la chaise sur laquelle il était assis, il la poussa rapidement et balança le tout dehors. L’homme roula sur quelques mètres avec sa chaise puis se stoppa.

« Faudrait quand même pas que tu abimes mon bureau. Je serais toi, je me dépêcherais de parler et de dire à Gina ce qu’elle souhaite savoir. »

Il disait ça avec le sourire, comme si tout ça n’était qu’un jeu. Et pour lui, ça l’était. Le prisonnier s’agitait, criant comme il le pouvait avec ce qu’il avait dans la bouche. La mèche raccourcissait à vue d’œil. Un prisonnier mort ne parlerait pas mais Ted ne craignait rien, il savait ce qu’il faisait. La mèche disparu. BOUM ! Mais il ne se passa rien. L’homme attaché à la chaise pleurait, la respiration rapide. Mais au moins, il était en vie. Ted s’approcha de lui et le redressa pour le regarder.

« Comme je suis un type sympa, je t’avais mis un bâton vierge. C’était juste un coup d’essai. Maintenant on va essayer avec un rempli, regarde. »

Sortant un autre bâton, il en découpa le bout pour lui montrer le contenu, une belle poudre noire, puis le referma correctement. Theodore possédait de quoi produire de la dynamite, il ne s’en séparait jamais. Il était rare qu’il ait sur lui un bâtonnet vierge mais au moins, cela lui avait été utile.

« Allez, on recommence à 30 secondes ? »

Le prisonnier secoua la tête comme un beau diable.

« Tu vas parler alors ? »

Il hocha cette fois la tête d’un air suppliant.

« Tu vois quand tu veux. »

Ted lui tapota la joue puis traina la chaise à l’intérieur. Il planta l’homme devant Gina, retira le bâton puis le rangea et se rassit à son bureau, se versant un nouveau verre d’alcool.

« Il est à vous. »

A vrai dire, Theodore ne savait pas ce qu'allait révéler l'homme. Peut-être qu'il n'avait plus été en contact avec les frères Magennis depuis longtemps mais cela valait le coup de lui demander. Au moins, le shérif était certain qu'il les connaissait. Mais à aucun moment il n'interrogea Gina pour savoir pourquoi elle le cherchait. Elle devait avoir ses raisons, elle était chasseuse de primes après tout.

Gina n'avait aucune envie de tous les interroger là. Elle n'avait que l'envie d'aller se coucher, de dormir et surtout, de ne se réveiller que lorsque son corps serait en forme. Dans son esprit, elle avait la sensation que son corps n'avait pas dormi depuis au moins des jours. Sa mine épuisée et son teint terne parlait d'eux même. Même si Gina n'avait pas l'air en mauvaise santé, elle l'était. Pas qu'elle ne prenne pas soit d'elle, bien au contraire. Le premier interrogatoire n'avait rien donné. Quand ils commençaient à réellement flipper, ils se pissaient souvent dessus comme des gamins. Alors Gina savait que n'importe qui qui se pisse dessus, disait la vérité. Poussant un léger soupire en abandonnant son premier interrogatoire, Ted lui proposa alors de l'aider. Elle avait une tête à vouloir de l'aide ? Soit, elle ne dit rien par rapport à ça et haussa les épaules.

En s'approchant du bureau, Gina pu remarquer que le Shérif lui avait donc préparer son verre ainsi qu'une cigarette. Une cigarette ? Elle n'avait pourtant réclamé qu'un whisky. Enfin, elle ne crachait pas sur la clope. Elle attrapa le tabac roulé dans une feuille et le coinça entre ses lèvres, grattant une allumette pour enfin embraser le bout. Tirant une bonne bouffée sur sa cigarette, Gina suivit le sherif sur regard. Il avait envie de s'amuser aussi ? Alors il n'avait qu'à le faire. Après tout, si Gina pouvait ne rien faire pour une fois. Et puis ce serait l'occasion pour elle d'observer la façon dont travaillait cet homme. La jeune femme posa son fessier sur le bureau et prit son verre entre ses doigts. Elle fit tourner le liquide brun et le huma. Sur le moment, elle ne dit rien, mais il avait pas l'air très irlandais son whisky là. Bon, ce n'était pas le moment de faire un commentaire là dessus. Elle pinça les lèvres, un peu déçue, mais au final, il était bien sympa de lui avoir servit.

Theodore empoigna un homme dans la cellule et Gina se contenta de le suivre du regard. Alors qu'il semblait pointer un homme pour le faire venir à lui, l'homme se rebiffa. Un léger sourire moqueur s'afficha sur la mine épuisée de Gina. Depuis quand on leur laissait le choix ? Secouant doucement la tête pour signifier qu'il s'y prenait assez mal, Gina entendit que l'homme envoyait carrément Theodore se faire voir. Elle aurait sûrement rit si Theodore ne lui avait pas collé un bâton de dynamite dans la bouche pour le faire taire. Tiens, le sherif serait il en train de dissimuler des informations que l'homme allait révéler et qu'elle ne devait pas savoir ? Tout en l'observant, la demoiselle porta son verre à ses lèvres et bu une gorgée d'alcool. Gardant le liquide en bouche, elle afficha une mine écœurée, les lèvres pincées. Elle se retint de tout recracher et avala la gorgée sans trop d'envie. Grimaçant, elle reposa doucement le verre et fit une moue boudeuse. Voilà qu'elle avait la confirmation que ce whisky n'était pas irlandais. Déçue, elle poussa le verre comme s'il avait la peste et le choléra. Alors, pour passer son envie de jeter le verre par terre, Gina continua de fumer tout en observant le sherif s'occupe du cas du criminel.

C'était assez amusant de le voir faire. L'homme semblait ne pas vouloir le prendre au sérieux malgré qu'il avait un bâton de dynamite dans la bouche. Le plus amusant était de voir que Theodore prenait de grands risques à écourter le temps avant l'explosion. Le prisonnier semblait vouloir faire son petit rebelle à ignorer les menaces du sherif. Poussant un léger soupire, Gina observa la façon dont Theodore jeta le prisonnier dehors, toujours attaché à sa chaise, le bâton de dynamite allumé. Maintenant, elle esquissa un léger sourire en entendant aucun bruit. Le sherif savait être malin finalement. Elle secoua doucement son visage et l'observa remettre l'homme en place. Le prisonnier était vraiment ridiculement drôle. Il chialait tout ce qu'il pouvait et Gina se demandait à quel moment sa vessie allait lâcher. Quoi qu'il en soit, il avait réussi à le mater puisqu'il était, maintenant, d'accord de parler et d'avouer ce qu'il savait. Gina posa la cigarette sur le rebord du bureau et fit craquer ses doigts. Elle s'avança vers le prisonnier en inclinant son visage pour remercier Theodore.

Beau travail Sherif ! Je suis impressionnée ! Vraiment ! J'applaudis la performance de persuasion que vous avez... Vous savez, si vous continuez comme ça, je me demande si je vais pas m'associer à vous !

Voilà que maintenant elle devait donc s'occuper du Monsieur. Gina s'approcha de lui et se pencha, plaçant son visage à sa hauteur. D'un léger sourire, elle lui tapota la joue.

Aller, balance mon gros... Je te jure qu'il ne t'arrive rien après ça. Je te remettrais dans ta cellule et... tu iras en prison...

L'homme tremblait comme une vieille grand mère malade. Il hocha doucement la tête puis fit signe à Gina d'approcher son oreille. La demoiselle s’exécuta et en vérité, ce qu'il avoua à Gina n'était pas une information concernant les Magennis mais une information concernant le shérif. Gina pinça les lèvres et se redressa, détachant l'homme pour le remettre dans sa cellule. Elle posa son regard sur lui et soupira doucement, lui mentant ouvertement.

Ne crois pas que je ne sois pas venue ici sans me renseigner avant... Je suis au courant... Néanmoins...

Elle tourna son regard vers Theodore et soupira doucement, croisant les bras. Elle était appuyée contre les barreaux de la cellule, fixant le sherif avec un air contrarié.

… Je crois que j'ai deux mots à approfondir avec lui...

Se détachant lentement des barreaux, Gina s'avança vers Theodore. Sans prononcer le moindre mot, elle l'empoigna par la nuque, brutalement, le forçant à la faire se plier en deux. Elle le traîna dehors et le colla contre le pilier des escaliers, le lâchant. Elle le fixa un long moment et soupira.

Le procureur m'avait prévenu de votre... condition un peu spéciale, quand il a su que je me rendais ici. Je suis pas venue vous arrêter ou... vous menacer ou rien de tout ça... J'aimerais juste savoir... pourquoi vous vous êtes rangé du côté de la loi... Et vu que vous êtes dans le métier, je vais vous demander de m'aider à retrouver la bande Magennis... Ce n'est pas tant la prime qui m'intéresse mais surtout... une vengeance personnelle...

Ce qui l'agaçait, c'est qu'on lui en reparle. Et surtout que le prisonnier avait préféré lui dire quelque chose qu'elle savait déjà et non quelque chose dont elle avait grand besoin. Après avoir fait expliqué à Theodore qu'elle tairait son ancienne condition, Gina sortit son pistolet et entra dans le bureau, l'armant. Elle pointa alors le canon sur le prisonnier, qui finalement n'avait pas été utile, et tira. La précision du tire était telle, que la balle perfora le crâne de l'homme, pile entre les deux yeux, à distance égale des deux sourcils. Gina ne baissa son arme qu'après que le corps inerte du prisonnier s'effondra sur le sol. Massant doucement sa nuque, elle ferma les yeux.

J'ai besoin d'un verre... Désolée mais votre whisky est dégueulasse... J'espère qu'ils ont du whisky irlandais au saloon. Vous m'accompagnez ?

Ce n'était pas dans les habitudes de Gina de boire en compagnie de quelqu'un mais, elle avait réellement besoin de se mettre au calme. Et elle voulait lui expliquer ce qu'elle savait sur la position actuelle des Magennis.

En rentrant à son bureau, Theodore n’avait pas pensé avoir de la compagnie et encore moins devenir spectateur d’une drôle de scène. Voir une femme chasseuse de primes ne le choquait pas plus que ça. Il avait longtemps fréquenter des femmes même plus douées que certains hommes dans le domaine. L’une d’elle avait bien failli lui mettre la main dessus lorsqu’il était encore criminel. Par chance, il avait toujours réussi à lui échapper. Et voyant la jeune femme là, dans son bureau, Ted ne put s’empêcher d’être nerveux. Bien qu’il n’était plus un criminel, son passé n’était pas pour autant effacer. Qui ne lui disait pas qu’elle ne chercherait pas malgré tout à le tuer ou à le capturer pour espérer pouvoir récupérer une vieille prime ? Si elle disait qu’il continuait sa carrière de hors-la-loi, Ted savait qui l’état croirait entre eux deux. Et ça, ça ne présageait rien de bon. Pourtant, la jeune femme le regardait à peine, ne s’intéressant pas à lui. Elle ne l’avait peut-être pas reconnu ou tout simplement elle n’avait pas connaissance de son ancienne prime. Ouf…

Rassuré et donc un peu plus à l’aise, Theodore se proposa pour l’aider à interroger son troupeau de prisonnier. Bien qu’il n’en disait rien, le shérif savait qui était susceptible de détenir des informations sur le sujet qui l’intéressait. Mais comment le lui dire sans qu’il ne se dévoile lui ? Il ne restait plus qu’à être très persuasif avec le prisonnier en question. Ce dernier se rebiffa, manquant presque de balancer la véritable identité de Ted. Celui-ci ne tarda pas à le faire taire, espérant que Gina ne trouverait pas ça louche. Pour l’heure, elle se contentait de regarder, silencieuse. Ted ne lui prêtait plus vraiment attention, concentré sur ce qu’il allait faire au prisonnier pour qu’il se mette à table.

D’abord récalcitrant, il finit par se plier à la volonté de Ted. Avoir un bâton de dynamite allumé dans la bouche lui avait sans doute remis les idées en place. Il ne pouvait pas se permettre de faire n’importe quoi ou de tuer les gens comme ça. Mais ça, tout le monde ne le savait pas, ce qui lui donnait un avantage non négligeable. Ted était fier de lui, convaincu que le prisonnier allait tout avouer sagement et ne plus essayer de lui tenir tête comme il l’avait fait. Même Gina le félicita, déclarant même qu’elle s’associerait peut-être à lui. Cela lui rappela qu’il avait besoin d’un adjoint. Mais en quoi désirait-elle s’associer à lui exactement ? Pour retrouver ses fameuses proies ? Theodore inclina la tête pour répondre au compliment alors qu’il libérait le crâne et la bouche du prisonnier. Ce serait plus simple pour parler…

« Il faut ce qu’il faut. C’est toujours une bonne chose d’avoir des gens qui savent ce qu’ils font comme vous dans les environs. Alors si je peux vous aider à nouveau, n’hésitez pas. »

Echangeant de place avec Gina, Ted alla s’appuyer contre son bureau. Il remarqua que le verre de whisky qu’il lui avait servi était toujours à demi rempli. Pas à son goût peut-être. Il fallait dire que c’était loin d’être la qualité… Sa cigarette ayant rendu l’âme, Ted s’occupa à s’en faire une autre, prenant son temps. Il la colla entre ses lèvres et l’alluma, observant Gina à l’œuvre. Le prisonnier avait l’air docile à présent. C’était en tout cas ce que croyait le shérif, ignorant qu’il allait le trahir dans la seconde qui suivait.

Theodore ne put entendre ce que le prisonnier révéla à Gina mais il s’en moquait, cela ne le concernait pas. Enfin… C’était ce qu’il croyait. Voyant Gina le remettre en cellule sans un mot et sans le malmener, il était vraiment persuadé qu’elle avait l’information qu’il lui fallait… ou en tout cas une information qui valait le détour. Mais lorsque Gina se retourna vers lui, Ted sentit à son regard que quelque chose clochait. Ce qu’elle dit par la suite ne fit que confirmer son mauvais pressentiment. Ce fumier de prisonnier l’avait balancé !! Cependant, Gina disait être déjà au courant de la situation. Vraiment ? Elle avait bien caché son jeu alors… Mais Ted n’aimait pas le fait qu’elle disait avoir besoin d’approfondir les choses avec lui. Elle comptait les approfondir avec son poing américain ? Bon sang mais pourquoi avait-il vendu la mèche ? Theodore fusilla l’homme du regard. S’il avait pu le tuer, là, tout de suite, il l’aurait fait et sans ménagement.

Ne sachant pas trop quoi dire, Ted se contenta de se focaliser sur le prisonnier pour éviter le regard de Gina. Qu’allait-elle lui dire à présent ? Que ce n’était pas bien ? Qu’il ne méritait pas son étoile ? Oh ça il l’avait déjà trop entendu, il était bien au courant. Il espérait juste qu’elle lui laisse l’opportunité de s’expliquer plutôt que de s’en prendre à lui sans l’écouter. Lorsque Gina s’approcha de lui, Ted tourna les yeux vers elle mais il ne la vit pas très longtemps pour autant. Bientôt, c’était le sol qu’il pouvait admirer, penché en avant et trainé dehors. Gina l’avait empoigné si rapidement qu’il n’avait rien vu venir et n’avait rien pu faire, il en avait même perdu sa cigarette. En quelques secondes, il se retrouvait plaqué contre un pilier, faisant face à la chasseuse de primes. Ted cligna des yeux et se redressa un peu, reprenant contenance. Il n’était pas un enfant que l’on réprimandait et il ne voulait pas qu’elle le traite comme un vulgaire criminel. Relevant le visage pour la regarder dans les yeux, il l’écoutait.

Il s’était attendu à tout… sauf à ça. Gina ne le menaçait pas du tout. Elle exprimait son désarroi quant à sa condition, ne comprenant pas pourquoi ni comment il s’était retrouvé du côté de la loi. C’était une question légitime pour tous ceux qui ne connaissaient pas son passé particulier. Mais Gina continua de parler, ne s’arrêtant pas sur ce détail. Malgré son passé criminel, elle faisait appel à lui pour qu’il l’aide dans sa quête. Cela surprit Theodore qui pensait qu’après ça, elle ne lui accorderait aucune confiance. C’était sans doute le cas d’ailleurs mais elle lui demandait malgré tout de l’aide.

« Vous cachez bien votre jeu, je n’aurais jamais cru que vous étiez au courant… C’est… long et compliqué. Je vais tout vous expliquer mais… pas ici. »

Ted n’avait au final répondu à aucune de ses questions même s’il comptait bien le faire. Il désirait juste qu’ils se posent quelque part, tranquillement pour discuter. Là, il s’était senti un poil agressé et désirait être d’égal à égal avec elle plutôt que d’entamer un bras de fer inutile. Gina lui affirma pourtant qu’elle ne dirait rien à propos de son passé. Le shérif la remercia, en croyant à peine ses oreilles. Elle lui laissait une chance ? C’était tout ce dont il avait besoin. Il préférait que la majorité citoyens ignorent son ancienne activité et qu’ils continuent de le considérer comme leur shérif.

Lorsque Gina attrapa son arme, le cœur de Ted se stoppa pendant une seconde. Mais elle ne s’intéressa plus à lui, tournant les talons. Puisque Gina retourna à l’intérieur, Ted lui emboita le pas. Il songeait qu’elle désirait juste se remettre au chaud pour discuter. Pas devant les prisonniers quand même ? Certes l’un d’eux connaissait son secret mais les autres l’ignoraient sans doute… Sans prévenir, Gina tira sur celui qui avait vendu la mèche, l’abattant comme un chien sans même une semonce. Le trou était pile entre ses deux yeux et Ted l’admira alors, lui qui était bien incapable de t tirer correctement. Pourquoi l’avait-elle tué ? Par frustration parce qu’il ne lui avait pas dit ce qu’elle voulait ? C’était de toute façon ses prisonniers, elle disposait de droit de vie et de mort dessus. Cela ne changeait pas grand chose à la prime de celui-ci de toute façon.

Puis, comme si de rien n’était, Gina se tourna vers lui pour lui proposer de l’accompagner au saloon. Elle avait l’air fatigué et surtout déçue. Si Ted pouvait alors lui apporter quelques réponses, il le ferait avec joie. Il lui devait bien ça.

« Je vous l’offre. Et même toute une bouteille si vous en trouvez un à votre goût. » fit-il en souriant

Faisant quelques pas jusqu’à son bureau, Ted attrapa son chapeau et le reposa sur sa tête, se roula rapidement une nouvelle cigarette puisque l’autre n’avait pas fait long feu et rejoignit Gina qui l’attendait sous le porche. Ils se rendirent au saloon en silence, côté à côté. Une fois dans le bâtiment, Ted lui indiqua une table un peu à l’écart. Il n’y avait pas grand monde mais dans ce cas ils seraient plus à l’aise pour discuter de ce que le shérif avait à lui dire. Avant d’aller s’installer, il se rendit au comptoir pour réclamer une bouteille de son meilleur whisky. Irlandais bien sûr. Attrapant deux verres, il s’empara de la bouteille et rejoignit Gina. A peine assis, il remplit les deux verres et en poussa un vers elle ainsi que la bouteille. Il retira son chapeau qu’il posa sur la table puis leva ses yeux bleus clairs dans les siens.

« Vous devez trouver ça étrange qu’un criminel devienne shérif. Pourtant vous savez, ce n’est pas moi qui l’ait voulu. » expliqua t-il brièvement avant de boire une gorgée « Peut-être avez vous entendu parler de l’ancien shérif d’ici ? Le shérif Sunderland ? C’était mon père. » ajouta t-il sans se dire qu’elle allait peut-être trouver ça étrange qu’ils n’aient pas le même nom de famille « J’ai été longtemps un criminel libre mais j’ai fini par être capturé et amené ici. Mon père voulait que je me range, que je réfléchisse à tout ça… Il s’est fait tuer juste devant moi alors que j’étais derrière les barreaux. Avant de mourir, il m’a fait promettre de prendre sa place… de chercher la rédemption. J’ai accepté… pour lui. Alors oui, c’était contre mon gré mais croyez bien que je fais mon travail et que je n’ai aucun remord à arrêter les criminels. Je ne veux pas décevoir mon père. »

L’explication terminée, il termina son verre, ayant la gorge sèche. Mais il ne se resservit pas, la bouteille étant pour Gina. Il se contenta de tirer quelques bouffées de sa cigarette avant de regarder à nouveau la chasseuse de primes. Une question lui brûlait les lèvres, se souvenant de ce qu’elle lui avait demandé tout à l’heure.

« Vous leur voulez quoi au Magennis ? Qu’est-ce qu’ils vous ont fait ? » demanda t-il avant d’agiter la main devant lui comme s’il chassait une mouche « Oubliez, ça ne me regarde pas après tout. Je n’ai pas besoin de le savoir pour vous aider. Je dois vous avouer quelque chose, je les connais. Pas personnellement mais je sais avec qui ils trainent. Le type que vous avez tué tout à l’heure, il avait déjà travaillé avec eux. J’avais espéré qu’il vous en parle.. Visiblement je ne suis pas assez persuasif. Cela dit… je peux vous mener à la bande de ce dernier. Je sais où ils se terrent et seul, je ne pouvais pas vraiment espérer tous les arrêter. Mais avec votre aide, je pense qu’on peut facilement leur mettre la main dessus. Cette bande a travaillé plusieurs fois avec les Magennis, j’en suis certain. Je ne sais pas s’ils savent à présent où ils ont filé mais… ça vaut le coup d’essayer. Vous en dites quoi ? »